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Dernière modification effectuée le 02.10.2023 18:58
Il y a quelques jours, nous avons eu l’honneur d’interviewer Benoit Bosc, le Head of Product de la société GSR. Nous en avons profité pour lui poser des questions au sujet des Market Maker, de son parcours professionnel, mais également de sa vision concernant les récents événements qui ont marqué le marché.
Cela vous donnera l’occasion d’en apprendre davantage sur un secteur souvent négligé, mais pourtant indispensable au bon fonctionnement de l’écosystème des crypto monnaies.
Retrouvez dans cet article un résumé des points primordiaux qui ont été mentionnés au cours de cette interview.
Points clés de notre interview
- Qui est Benoit Bosc et quel est son parcours professionnel ?
- Qu’est-ce que GSR ?
- Comment les Market Maker se rémunèrent-ils ?
- Quelle est la part de marché (market share) des Market Maker en crypto ?
- L’avis de Benoit Bosc sur les affaires FTX et LUNA
- La vision de Benoit Bosc et de GSR sur les NFT
- À quel point les exchanges crypto manipulent-ils le marché (Trading desk, wash trading, délits d’initiés…) ?
Qui est Benoit Bosc et quel est son parcours professionnel ?
Benoit Bosc est un ancien trader traditionnel qui travaille aujourd’hui en tant que Head of Product pour le Market Maker GSR.
Pour revenir très rapidement sur son parcours professionnel, Benoit Bosc est issu d’études d’ingénieur à Polytechnique, en France. Il s’est rapidement orienté vers le monde de la finance traditionnelle en travaillant d’abord pour Goldman Sach en tant qu’analyste quantitatif (quant analyst), à Londres, puis à New York en 2004, où il vit encore aujourd’hui.
Il est ensuite devenu trader en commodities (matières premières) chez la banque britannique Barclays, pour finalement remettre les pieds chez Goldman en préservant ce même poste. À cette époque, Benoit se chargeait principalement de trader des produits dérivés sur le marché du pétrole et de l’énergie.
Il explique d’ailleurs que le trading de matières premières au sens général est très différent du trading de crypto monnaies.
Après plus de 20 ans en tant que trader traditionnel chez des géants de l’industrie, Benoit Bosc s’est finalement tourné vers le monde de la crypto pour devenir « head of product” chez GSR, courant 2021.
Quel est le rôle de Benoit Bosc chez GSR ?
Au sein de GSR, Benoit Bosc se charge principalement de la partie “structuring sales” et “business development”. Pour la faire simple, cela se traduit par la mise en relation avec des acteurs de l’écosystème (VC, institutions, etc…), la gestion et le développement de nouvelles activités pour l’entreprise, et bien plus encore.
“Le marché crypto est assez gros pour pouvoir accueillir des acteurs qui viennent de la finance traditionnelle et qui vont aider à faire croître cet écosystème d’une manière beaucoup plus légitime”.
Qu’est-ce que GSR ?
GSR est un crypto Market Maker (teneur de marché) en place sur le marché depuis maintenant près de 10 ans. Fondé par des vétérans de Goldman Sachs, GSR est aujourd’hui devenu l’un des plus gros Market Maker du marché crypto, avec plus de 200 clients à son actif.
Pour rappel, le rôle d’un market maker est de créer de la liquidité sur un marché via l’exécution automatisée de séries d’ordres (bid & ask) en continu, permettant ainsi de faciliter les échanges.
GSR a connu une forte croissance en 2021 (lorsque le marché de la finance décentralisée a explosé) et comptabilise aujourd’hui plus de 250 employés dans ses rangs.
Notez que GSR ne se limite pas à apporter de la liquidité sur les marchés. Au-delà de sa fonction de “Market Maker” à proprement parler, la société basée à Londres se charge d’accompagner les projets dès leur phase de conception. Cela passe notamment par l’élaboration de stratégies TGE (Tokens Generation Event) et de lancement, une aide sur les aspects légaux de ce marché, des plans marketing ou encore la création de stratégies de listing.
C’est seulement après que GSR s’occupe de créer de la liquidité, et ce, sur les échanges centralisés comme décentralisés.
En plus de ces services, GSR dispose de plusieurs branches internes, telles qu’une Venture Capital (fonds capital risque) dédiée au financement participatif de start-ups, d’un service OTC ou encore d’une filiale “assets managment” nommée “GSR Capital”.
Une approche “market neutral”
Benoit Bosc souligne le fait que GSR suit une approche dite “market neutral”. C’est-à-dire qu’ils essayent de suivre une stratégie d’investissement réfléchie, et évitent de s’exposer à toute forme de risques de marché (prop trading, effet de levier, etc.) : “C’est l’un des facteurs qui nous différencie de la plupart des acteurs dans l’écosystème”.
En général, cette stratégie implique la prise de positions baissières (short) et haussières (long) à la fois, pour diminuer le risque de perte.
“Nous sommes une boite qui se focus principalement sur les clients […] L’idée, c’est de reproduire un système qui est beaucoup plus proche de ce qui se passe en finance traditionnelle où la boite va grandir avec ses clients”.
Il nous explique également que GSR n’influence en aucun cas le prix d’un produit : “On fait très attention de n’avoir aucune pratique qui soit considérée comme de la manipulation”.
Comment les Market Maker se rémunèrent-ils ?
Un sujet également très intéressant est la façon dont les market maker monétisent leurs activités au sein de l’écosystème.
Benoit Bosc nous explique qu’il existe plusieurs modèles de rémunération pour les market maker crypto. Le premier étant que ces derniers perçoivent directement de l’argent liquide provenant des entreprises, pour “compenser les pertes qu’ils s’attendent à faire via l’analyse de paramètres non optimaux quant à la volatilité de l’asset”.
L’autre modèle consiste à réaliser un prêt ou “loan” de tokens auprès d’un projet, d’obtenir des prix à l’offre (ask price ou offer price), d’utiliser du cash pour les “bid” puis d’appliquer un spread entre les deux.
Néanmoins, compte tenu de la volatilité du marché cryptographique, cette stratégie nécessite la mise en place d’un “plafond” au-dessus duquel le market maker vend progressivement son inventaire de jetons (et paye le prêt de tokens en dollars), et en dessous duquel il ré-accumule des tokens.
C’est d’ailleurs ce modèle de monétisation en particulier qu’applique GSR : “L’avantage, c’est que le projet ne nous donne pas d’argent, juste un prêt de tokens au départ […] c’est un modèle qui arrange tout le monde”.
Ces modèles de rémunérations diffèrent de ceux appliqués en finance traditionnelle, où les acteurs se rémunèrent principalement via des spread en “proprietary trading” (prop trading) : “Si les acteurs crypto opéraient de la même manière que dans le marché traditionnel, les spreads seraient beaucoup trop larges”.
Benoit Bosc nous a ensuite parlé de la part de marché que représentent les market marker dans l’écosystème.
Parmi le top 50 des projets, il y a, selon ses dires, peu de market maker qui vont représenter plus de 5 à 10 % du volume d’échange. Ce pourcentage peut s’élever jusqu’à 50 % pour les projets positionnés au-delà du top 200.
Néanmoins, ces chiffres varient énormément lors des périodes de stress (à la hausse comme à la baisse). En effet, lorsque le marché fait face à d’importantes fluctuations, la part de marché (market share) des market maker augmente drastiquement, nous explique Benoit Bosc.
Vous n’êtes pas sans savoir que la majorité des “investisseurs” FOMO lorsque le marché explose à la hausse, et panic sell lorsque ce dernier chute. Sans la présence de market marker pour apporter de la liquidité, les gens ne pourraient tout simplement pas exécuter leurs ordres, car trop peu d’investisseurs se positionnent contre ces mouvements.
“Si tu n’as pas un market maker qui est là pour stabiliser, tu te retrouves dans une situation ou plus personne ne veut vendre [ou acheter en cas de période de hausse]”.
L’avis de Benoit Bosc sur les affaires FTX et LUNA
“Ce n’est pas comme si on l’avait vu venir […] on voulait croire à l’existence d’un stablecoin algorithmique”. Comme de nombreux acteurs, GSR avait placé quelques pièces sur le LUNA avant qu’il ne s’effondre. Bien heureusement, leur position sur ce jeton ne représentait qu’une infime partie de leur capital.
Pour Benoit Bosc, l’ascension de Terra Luna s’explique en grande partie par le fait qu’ils apportaient une technologie novatrice, à savoir un stablecoin algorithmique décentralisé (UST). Les utilisateurs y voyaient un produit innovant qui, à première vue, avait toutes ses chances de révolutionner le marché des stablecoins.
En ce qui concerne FTX, Benoit Bosc estime que cette affaire relève de la criminalité : “FTX, c’est la réalisation qu’en crypto, on a beaucoup de mauvais acteurs […] il n’y a pas de règles”.
Selon lui, le fait qu’il n’y ait pas assez de lois qui réglementent ce marché pousse certains acteurs à vouloir toujours plus de monopole au sein de cet écosystème, et ce, même au détriment de leurs utilisateurs.
De plus, le manque de transparence de FTX a, selon lui, porté préjudice à de nombreux acteurs et institutions qui, au vu de son ascension, ont investi dans cette société simplement par peur de rater la tendance (FOMO).
Benoit voit en la finance décentralisée (DeFi) un moyen d’éviter bon nombre de ce genre d’incidents financiers. En revanche, ce secteur est selon lui encore trop peu développé et utilisé pour qu’il puisse réellement pallier ce fléau :
“Tant que la DeFi n’aura pas atteint une certaine masse critique, il faudra passer par des institutions centralisées[…] il va falloir créer un cadre pour que ça puisse se dérouler de la bonne façon”.
La vision de Benoit Bosc et de GSR sur les NFT
Au cours de l’interview, Benoit Bosc nous a révélé que GSR suit de très près le marché des tokens non fongibles (NFT). Par ailleurs, l’entreprise détient, elle aussi, sa propre collection d’art digital, “GSR Blue” où se trouvent uniquement des NFT de couleur bleue. On peut notamment y retrouver un BAYC, un Doodle, un DeGods ou encore un Moonbirds pour n’en citer qu’une partie.
Selon Benoit Bosc, le fait d’avoir un pied dans ce marché leur permet de rester informés des dernières nouveautés le concernant. Il relève cependant le fait qu’il y a encore beaucoup trop collections par rapport au nombre d’utilisateurs et, de ce fait, pas assez de liquidité.
Néanmoins, malgré une diminution considérable de la liquidité due au bearmarket, Benoit Bosc estime qu’au cours de ces derniers mois, ce marché a vu émerger de nombreux projets innovants. Il cite notamment la marketplace Blur, la collection Y00ts ou encore l’AMM SudoSwap, ayant engendré un puissant engouement auprès de la communauté.
Dans un futur proche, il pense que l’écosystème NFT s’ouvrira davantage au “market making”, en mettant la lumière sur des protocoles et services destinés cette fois-ci à l’apport de liquidité, la création de dérivés ou encore d’options.
“Je pense qu’on est vraiment au début de ce qui se passe”.
À quel point les exchanges crypto manipulent-ils le marché (Trading desk, wash trading, délits d’initiés…) ?
Il est, pour notre invité, peu probable que les exchanges américains se plient à toute forme de manipulations trompeuses. Ces derniers seraient aujourd’hui soumis à beaucoup trop de réglementations, surtout au vu des récents événements (FTX, Genesis, etc…).
Si des opérations de ce type doivent être effectuées, ça serait principalement sur les exchanges asiatiques disposant de peu de volume. Cela ne concernerait cependant qu’une petite partie des acteurs présents sur le marché : “La plupart des acteurs crypto se retrouvent avec pas mal de profits sur des opérations légitimes” – nous fait part Benoit Bosc
En ce qui concerne le wash trading, Benoit nous explique que cela “ça dépend des exchanges, il y en a où c’est une grosse proportion de ce qu’ils font, la plupart du temps ce n’est pas difficile à savoir”.
Enfin, revenons sur un phénomène très répandu au sein de l’écosystème crypto, à savoir le délit d’initié ou “insider trading”. Une fois de plus, Benoit Bosc préfère nous rassurer en nous affirmant que ce genre d’opérations devient de plus en plus compliqué à mettre en œuvre, du moins sur le sol américain.
En effet, si nous prenons l’exemple des affaires de délit d’initier impliquant des employés de chez Coinbase et Opensea, ces derniers ont tous été interpellés.
“Les gens commencent à prendre conscience du fait que ces délits peuvent être poursuivis, donc j’imagine qu’on en verra moins”.
Pour retrouver l’intégralité de notre interview avec Benoit Bosc, cliquez sur ce lien : https://www.youtube.com/watch?v=9DRKEBLbvhg&t=1s