Qualification du trader crypto en professionnel en 2023 : Quels cas ? Quelle fiscalité ?

Généralement, les particuliers sont mieux traités en fiscalité française que les professionnels : cette règle s’applique sans surprise au monde des actifs numériques. Partant, certains traders experts des cryptos essayent de basculer artificiellement du régime pro au régime des particuliers. Cette démarche n’est pas sans danger, car l’administration fiscale peut s’en apercevoir. 

D’une façon générale, on peut dire que si les activités crypto d’un trader prennent largement le pas sur ses autres activités, il se peut qu’il soit considéré comme un professionnel de la crypto. 

La qualification de l’activité est une question récurrente (en raison notamment de la hausse d’impôt qu’elle entraîne), c’est pourquoi cet article se destine à préciser d’une façon complète les cas de qualification en professionnel des cryptomonnaies et les conséquences d’une telle qualification.

Dans l’actualité, la loi de finances pour 2022 précise les critères employés pour qualifier votre activité. Sachez que ces critères seront prochainement précisés par l’administration fiscale, mais ils nous fournissent déjà quelques précieuses indications, que l’on développera dans cet article. 

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Professionnel des cryptomonnaies et d’autres actifs numeriques : les cas concernés en 2022-2023

Professionnels crypto : criteres
L'administration fiscale se base sur un faisceau d'indices qualitatifs pour détecter l'expertise d'un trader : si ces indices sont suffisamment nombreux et concordants, les bénéfices sur les actifs numériques seront imposés plus lourdement que la flat tax de 30 %

Avant d’évoquer les avancées apportées par la loi de finances pour 2022-2023, sachez qu’initialement, il était prévu d’utiliser deux critères quantitatifs pour qualifier un trader de professionnel : le montant des sommes échangées et la fréquence des transactions. 

Les deux critères de la fréquence et du montant ne sont toutefois pas pertinents à eux seuls

  • La fréquence : le fisc considère que plus vous faites de transactions, plus vous êtes professionnel. Vous l’aurez compris, il s’agit d’un critère qui, s’il est utilisé seul ou en combinaison avec celui des montants tradés, est coupé de la réalité : il suffit d’un smartphone, voire d’une simple connexion internet pour que n’importe quel particulier passe un nombre de transactions important. Avec le développement des protocoles DeFi, les opérations se multiplient, sans pour autant faire de vous un professionnel. 
  • Le montant : de même, n’importe qui peut mettre son salaire Mcdo et faire un x500 sur des altcoins douteux sans pour autant qu’il soit expert. Ou même, plus simplement, si vous avez acheté à bas prix puis HODLé un Bitcoin pendant des années sans aucune autre opération, pour ensuite réaliser une cession ponctuelle avec une plus value astronomique, il ne s’agit en aucun cas d’une activité professionnelle. Ce critère n’est donc pas pertinent à lui seul. À ce propos, il est admis que les cryptomonnaies constituent la classe d’actifs la plus rentable de cette dernière décennie (une position défendue par JPMorgan par exemple, concernant le bitcoin), donc ce n’est absolument pas étonnant que de nombreuses personnes pas spécialistes se soient enrichies sans être expertes

Désormais, avec la loi de finances 2022-2023, ce sont des critères qualitatifs qui sont employés. Voici une liste non exhaustive d’indices que le fisc peut analyser pour vous qualifier de professionnel des crypto actifs : 

  • Le recours à l’emprunt bancaire ou non 
  • L'utilisation de sûretés : l'administration peut par exemple vérifier si vous avez mis en gage un objet, hypothéqué un immeuble, nanti des titres
  • L'utilisation d’outils de trading normalement réservés aux professionnels comme le trading de futures, l’utilisation du leverage. Par définition, il s’agit de l’emprunt à très court terme pour faire de la plus value sur des cryptos, normalement réservé à des professionnels
  • L'excès de la part de vos revenus crypto dans l’ensemble de vos revenus (analyse du prorata)
  • L'utilisation d’outils professionnels, à tout le moins payants. Il peut s’agir de trading de futures, de l'utilisation de leverages (i.e. d'emprunts à très court terme pour faire de la plus value sur crypto actifs, normalement réservés à des professionnels), d’un ou plusieurs abonnements destinés à démultiplier les bénéfices des cryptomonnaies ; le fisc prendra en compte la complexité et l’ampleur de l'utilisation de l’outil ou du montage générant les bénéfices, mais également l’importance des montants investis à cette fin
  • La participation dans le développement d’un outil de fructification du capital. À titre d'illustration, un trader qui bénéficie d’un algorithme payant réalisé par un tiers et permettant de faire des trades automatiques, à moins de chances de basculer dans le régime professionnel que le trader-codeur qui réalise lui-même son algorithme de trading automatique

Ces arguments restent finalement assez intuitifs : plus vos opérations crypto ont l’air “lambda”, moins vous êtes susceptible de tomber dans le régime professionnel.

Et c’est après avoir apprécié ces éléments que le fisc tiendra éventuellement compte du montant de vos gains et de la fréquence de vos transactions. Retenez-le bien : le montant des gains de cession de crypto et la fréquence des transactions en crypto ne sont pas déterminants à eux seuls, ce ne sont que des indices subsidiaires. 

Déclaration des actifs numeriques en tant que professionnel : quel impôt payer ?

impot crypto : declaration des professionnels
Dans le domaine de la cryptomonnaie, une activité professionnelle implique un fardeau fiscal supplémentaire pour le trader, et entraîne différentes obligations pour celui-ci

Catastrophe ! Si vous êtes qualifié de professionnel, vous n’êtes plus soumis au régime de la flat tax de 30 % : vous entrez sous le régime du taux marginal de l’impôt sur le revenu et prélèvements sociaux qui peuvent atteindre près de 60 % d’imposition dans certains cas les plus dramatiques. 

Si le risque de la requalification est trop important, adressez-vous à un avocat ! Ce dernier pourrait par exemple vous assister dans l’exercice de votre droit de poser une question à l’administration (sous forme de rescrit) pour que cette dernière éclaire votre situation fiscale crypto. 

Sinon, vous avez tout intérêt à ne rien retirer de votre portefeuille de cryptomonnaies en fiat : gardez vos actifs numériques sans jamais les échanger contre de la monnaie traditionnelle, sinon vos plus values de cession réalisées seront fortement réduites. 

En effet, les conséquences que vous allez subir sont nombreuses et assez contraignantes d’un point de vue du droit fiscal, de la comptabilité et tout simplement du temps :

  • Obligation de constitution d’une société 
  • Imposition à l’impôt sur les sociétés + autres cotisations associées au régime professionnel
  • Double imposition économique
  • Comptabilité de professionnel à mettre en place
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L’obligation de constitution d’une société pouvant exercer un objet commercial

Puisque l’achat-revente d’actifs numériques à titre habituel est une activité commerciale, vous devrez donc constituer une société pouvant exercer un objet commercial (naturellement, les sociétés civiles sont donc exclues). 

Globalement, les Sociétés par actions simplifiées (SAS) et les Sociétés par actions simplifiées unipersonnelles (SASU) sont des sociétés commerciales particulièrement appréciées pour leur flexibilité et leur absence d’encadrement strict (contrairement par exemple à une Société anonyme).  

Des formalités administratives relatives à la constitution seront à votre charge, en plus de la rédaction des statuts et de la rédaction d’éventuels pactes d’actionnaires. Ces premières formalités entraînent déjà quelques coûts, notamment des frais d’avocats.

L’imposition à l’impôt sur les sociétés (IS)

La société ainsi créée sera nécessairement imposée à l’impôt sur les sociétés (ci-après “IS”), on dit d’ailleurs qu’elle en sera “redevable” puisque c’est la société qui paie l’impôt contrairement aux associés des sociétés civiles qui voient le bénéfice de leur société directement imposé “entre leurs mains” à l’impôt sur le revenu. 

Exemple : je suis associé, j'ai une activité d'infirmier dans une société civile spécifique. En tant qu’associé j’ai droit à une part de bénéfice, c’est ma rémunération. Cette rémunération sera imposée en même temps que mes autres revenus à l’impôt sur le revenu ! Alors que si je suis associé d’une SAS, l’IS dû sur le bénéfice sera payé par la société et ses associés seront redevables d’un autre impôt supplémentaire

“D’accord, mais quel est le taux de l’IS ? Il est plus intéressant que celui pour un particulier qui fait des cessions de crypto, non ?” Eh bien non. 

Certes, le taux actuel de l’IS est plus avantageux que la flat tax dont sont redevables les particuliers sur leurs cessions imposables de cryptos (30%), mais vous verrez que d’autres impôts viennent s’ajouter lorsqu’on détient une société imposable à l’IS. 

Avant la présidence Macron, son taux était d'ailleurs de 33,33% ! Pas très compétitif. Depuis, son taux est dégressif pour atteindre 25% à compter du 1er janvier 2022

Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2021, le taux normal est de 26,5% (article 219 I, CGI). Par exception, le taux est fixé à 27,5% pour la fraction supérieure à 500.000 euros de bénéfice imposable (si votre chiffre d’affaires est supérieur à 250 millions d’euros, pour les traders les plus riches). 

Cette avancée mérite d’être saluée puisqu’elle permet à la France de proposer un taux plus compétitif sur le territoire de l’Union européenne pour ainsi favoriser les implantations de sociétés dans un territoire européen où la concurrence fiscale se fait de plus en plus rude.  

Heureusement, il existe des taux réduits tenant compte du montant de votre chiffre d’affaires ou de votre bénéfice – notamment pour les PME, comme le prévoit l'article 219 du code général des impôts. Il faut pour y prétendre que votre société remplisse les deux conditions suivantes

  • Avoir un chiffre d’affaires hors taxes inférieur à 7,63 millions (10 millions à compter du 1er janvier 2021)
  • Que les apports soient entièrement reversés à la société et le capital de la société doit être détenu à au moins 75% par des personnes physiques (non des sociétés)

Si votre société les remplit, le taux réduit de 15% s’applique sur la fraction de votre bénéfice qui ne dépasse pas 38.120 euros

En plus de cet IS, la société devra en principe facturer de la TVA sur ses activités crypto qu’elle devra reverser partiellement au Trésor public, mensuellement, trimestriellement ou annuellement. 

A ce sujet, un autre article de CoinAcademy viendra prochainement exposer tout ce qu’il faut savoir sur la TVA des crypto actifs.

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La double imposition économique : un impôt en plus de l'IS !

Ce n’est pas terminé… On disait plus haut que l’associé d’une société à l’IS serait, lui aussi, concerné par une imposition (supplémentaire). Ce qu’on va vous présenter est tout simplement scandaleux. Cela s’appelle “phénomène de double imposition économique” et concerne exclusivement les sociétés redevables de l’IS.

Explication : votre société a réalisé en 2021 un bénéfice net de 250.000 euros. Sur ce bénéfice, l’Etat va ponctionner 27,5% soit 68.750 euros uniquement au titre de l’impôt sur les sociétés. On dit d’ailleurs que l’Etat est actionnaire de toutes les sociétés françaises… vous comprenez mieux pour quelle raison. 

Très bien, mais où se trouve la double imposition ? Une fois que la société aura payé son impôt sur les sociétés, elle voudra sans doute distribuer une partie de ce bénéfice après impôts aux actionnaires. C’est précisément ce transfert de gains auprès des actionnaires qui déclenche une nouvelle imposition, alors même qu’un impôt sur ce bénéfice a déjà été payé par la société ! On parle de double imposition économique quand une même matière (ici le bénéfice de la société) est imposée deux fois. 

Ainsi, une nouvelle imposition dont le taux vous est familier (30% !) s’applique lorsque la société décide de distribuer son bénéfice aux associés, à travers des dividendes. Ici, c’est l’associé qui s’acquitte de l'impôt sur le dividende qu’il reçoit. 

Donc, pour résumer, la société paie 27,5% sur son bénéfice, elle est redevable de cet impôt, elle le paie. Une fois qu’elle décide de rémunérer ses actionnaires, les actionnaires seront redevables d’un autre impôt au taux de 30%. Ce dividende sera imposé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers (article 158 du CGI), et il faudra le déclarer en même temps que vos autres revenus. 

D’un point de vue administratif, cette déclaration est à effectuer dans le formulaire n°2777-D. Elle doit être téléversée dans les 15 premiers jours du mois suivant celui où les sommes au titre des prélèvements forfaitaires ont été retenues.

Bien entendu, des solutions existent pour limiter ce phénomène de double imposition (constitution d’une holding patrimoniale, notamment) et certaines d’entre elles frôlent avec la fraude, on ne saurait donc vous les recommander. 

Enfin, sachez également que les sociétés exerçant une activité commerciale sont astreintes à des obligations comptables (article L. 132-12 et suivants du Code de commerce). Vous devrez avoir recours aux services d’un professionnel de la comptabilité afin d'établir des comptes annuels, comprenant le bilan, le compte de résultat et une annexe qui devront obligatoirement être constitués à la clôture de chaque année fiscale. La lourdeur de ces obligations variera selon la taille et l’activité de l’entreprise. Dans le monde de la crypto, la compta peut-être assez difficile à mettre en place et le prix à payer peut monter très vite. 

Sachez à titre subsidiaire que ces documents peuvent faire l’objet d’un droit de communication à l’administration sur sa demande, en application de l’article L. 85 du Livre des procédures fiscales. 

Conclusion : évitez d’être qualifié de professionnel des cryptomonnaies !

impot crypto plus grand pour le professionnel de la cryptomonnaie
Pratiquez une activité dénuée d'apparence professionnelle si vous voulez rester sur les 30% d'impôt : achat et vente de cryptomonnaies, trading habituel sans utiliser d'outils trop complexes

Pour toutes les raisons mentionnées, vous devriez non seulement penser à déclarer vos opérations sur les comptes et plus-values de cession de crypto (ce qui correspond en fait au B-A-BA), mais aussi essayer de rester simple, sobre, discret dans le trading, pour éviter de vous retrouver imputé de la moitié de vos gains. 

Le pire serait de montrer et pratiquer ostensiblement une expertise professionnelle dans le domaine des cryptomonnaies, de s’en vanter comme cela arrive parfois sur les réseaux, puis de subir une fiscalité infernale associée au régime des professionnels. D’autant plus que l’on assiste à un durcissement important de la fiscalité française ces 5 dernières années. 

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Aller plus loin en regardant notre live avec des experts de la fiscalité

Retrouvez ci-dessus notre discussion avec le CEO de Waltio ainsi que responable produit du service. Au sommaire : Quoi déclarer et surtout comment. Mais aussi l'état de l'art quand il s'agit de la fiscalité des NFT, de la DeFi ou encore des Play to Earn !

Sources :