En moins de dix ans, les stablecoins se sont imposés comme un nouveau standard pour faire circuler de la monnaie électronique sur internet, facilitant des trillions de dollars de transactions onchain avec une rapidité, une transparence et une ouverture inédites.
Conçues pour un usage généraliste, les blockchains publiques peinent à répondre aux standards des institutions financières et des grandes entreprises.
Les coûts de transaction y sont difficiles à anticiper, la finalité des règlements reste incertaine, la transparence totale compromet la confidentialité nécessaire à certaines opérations, et la dispersion de la liquidité empêche la fluidité des échanges. Ces limites freinent encore l’adoption des stablecoins.
Là où Tether a choisi d’investir dans des projets comme Plasma ou Stable, Circle, l’émetteur de l’USDC, à choisi de concevoir Arc, un Layer-1 EVM-compatible pensé dès le départ pour servir de socle aux applications bâties autour des stablecoins.
Arc ne cherche pas à remplacer l’ensemble des infrastructures existantes, mais à proposer un cadre optimisé pour les usages institutionnels et commerciaux liés aux stablecoins et aux actifs tokenisés.
Cette ambition repose sur trois innovations clés :
- USDC comme gas natif et des frais stables
- Une finalité déterministe des transactions en moins d’une seconde
- Une confidentialité optionnelle compatible avec les obligations réglementaires
À quel besoin répond Arc ?
Actuellement, plusieurs points freinent l’adoption des stablecoins par les acteurs institutionnels.
Le premier frein vient des frais de transaction.
Sur la plupart des blockchains, ils doivent être réglés dans le token natif du réseau, dont la valeur fluctue constamment. La valeur de ces tokens étant très volatile, il est donc impossible pour une entreprise de prévoir ses coûts à l’avance.
L’idée de devoir conserver des actifs hautement spéculatifs uniquement pour payer le frais de transaction constitue une barrière à l’entrée.
Ensuite, la finalité probabiliste de nombreuses blockchains laisse planer un risque de réorganisation des transactions, ce qui peut être dangereux lorsqu’il s’agit de gros flux financiers.
S’ajoute à cela la transparence intégrale des données, peu compatible avec des transactions sensibles telles que les règlements B2B, le versement de salaires ou certaines opérations de marché, ce qui explique pourquoi de nombreux grands acteurs préfèrent encore rester en retrait.
Enfin, la fragmentation de la liquidité entre de multiples réseaux empêche la formation d’un marché unifié et fluide.
Selon Circle, l’écosystème a besoin d’une blockchain conçue pour répondre à ces contraintes spécifiques.
Architecture et performances d’Arc
Au cœur d’Arc se trouve Malachite, un moteur de consensus byzantin tolérant aux fautes (BFT) développé par Informal Systems, dont Circle a repris une partie de l’équipe et la propriété intellectuelle.
Malachite est un projet open source qui poursuit l’esprit de Tendermint et de CometBFT, la boîte à outils de l’écosystème Cosmos (ATOM) conçue pour la création de blockchains souveraines. La grande innovation de Malachite réside dans son architecture à la fois plus modulaire et plus performante.
Cette technologie garantit une finalité dite « déterministe » : dès qu’une transaction est validée par le réseau, elle est considérée comme définitive et ne peut plus être annulée ou modifiée.
Il n’existe donc pas de phase d’attente pendant laquelle un réagencement de blocs pourrait revenir sur une opération déjà confirmée, comme c’est le cas sur de nombreuses blockchains.
Sur Ethereum, une transaction nécessite environ 14 minutes pour atteindre une finalité, Arc promet de régler définitivement une transaction en moins d’une seconde.
Pour le projet Arc, Le consensus repose sur un ensemble permissionné de validateurs identifiés, composés d’institutions reconnues réparties à l’échelle mondiale.
Il s’agit d’un consensus en Proof-of-Authority (PoA) : les validateurs sont des entités pré-approuvées qui valident les blocs en s’appuyant avant tout sur leur identité et leur réputation plutôt que sur un engagement financier ou une puissance de calcul comme le Proof of Stake d‘Ethereum ou le Proof of Work de Bitcoin.
Moins gourmand en énergie et plus rapide, ce mécanisme de consensus Proof-of-Authority (PoA) est adapté aux réseaux permissionnés ou aux applications nécessitant une faible latence, ce pendant c’est un système moins ouvert et clairement moins décentralisé qu’Ethereum.
Chaque acteur est soumis à des obligations réglementaires et à des standards élevés de sécurité et de disponibilité. Cette approche vise à fournir une couche de confiance adaptée aux besoins des acteurs institutionnels.
Du côté des performances, le choix de Malachite a du sens, car ce moteur est capable d’atteindre environ 3000 transactions par seconde sur un réseau de 20 validateurs répartis à travers le monde, avec une finalité des transactions inférieure à 350 millisecondes (ms).
Cependant, nous ne disposons que de peu de détails à ce stade concernant les performances adaptées à un environnement sur l’Ethereum Virtual Machine (EVM). En effet, Litepaper (document officiel) d’Arc, n’indique pas le choix du client d’exécution utilisé couplé à Malachite, on peut supposer que le choix se portera sur le client RETH de Paradigm utilisé par de nombreux acteurs de l’écosystème comme Base, Optimism, MegaETH mais également Plasma. Mais pour le moment, ce ne sont que des hypothèses.
En ce qui concerne les frais, ils seront principalement réglés en USDC.
Cela élimine le besoin de détenir des tokens volatils comme ETH ou SOL, et permet d’aligner la monnaie dans laquelle sont réglées les opérations avec celle dans laquelle sont libellés les coûts de transaction.
Arc reprend le mécanisme de l’EIP-1559, qui ajuste automatiquement le coût du gas en fonction de la demande dans le dernier bloc. Mais au lieu de ne prendre en compte que l’utilisation du dernier bloc, Arc introduit un système de “Fee Smoothing” basé sur une moyenne mobile exponentielle.
Cela signifie que le prix du gas est calculé à partir d’un ensemble de blocs passés, afin que les frais évoluent de manière plus progressive, sans à-coups brutaux dès qu’un bloc est saturé.
Pour éviter tout emballement en période de congestion, Arc ajoute également un plafond fixe au “base fee”, garantissant que les coûts ne dépassent jamais un certain seuil.
À terme, un système de paymasters permettra même de régler les frais en d’autres stablecoins comme l’EURC ou le USYC.
Enfin, Arc intègre un plan clair pour la confidentialité.
La première étape consiste à masquer les montants des transactions tout en conservant la visibilité des adresses.
Les entreprises pourront ainsi protéger leurs données tout en respectant leurs obligations de conformité, grâce à des “view keys” donnant accès aux informations aux régulateurs ou aux auditeurs autorisés.
Arc vise, à terme, un état entièrement privé et la possibilité d’exécuter des calculs de manière sécurisée.
Cela passera d’abord par l’usage d’environnements d’exécution sécurisés (TEE), avant d’intégrer, au fil du temps, des approches plus sophistiquées comme la cryptographie multipartite (MPC), le chiffrement homomorphe complet (FHE) ou les preuves à connaissance nulle (ZK).
Un socle pour le FX et les actifs tokenisés
La roadmap d’Arc prévoit d’intégrer directement au réseau un moteur de change (FX) de niveau institutionnel.
Celui-ci doit permettre à des contreparties d’effectuer des règlements de change de manière sécurisée et efficace, disponibles en continu, 24 heures sur 24. En clair, Arc pourrait devenir une solution sérieuse de conversion de devise ( $ ⇼ € ⇼ £ ) en réduisant les coûts par rapport à des solutions traditionnelles.
Au-delà des simples transactions exécutées par smart contracts, ce moteur inclura aussi un système de Request-for-Quote (RFQ) hors-chaîne, grâce auquel les investisseurs institutionnels pourront solliciter des cotations auprès de teneurs de marché, comparer les prix proposés et exécuter rapidement leurs ordres.
Une telle infrastructure ouvre la porte à un large éventail de services liés au FX : paiements transfrontaliers instantanés, couverture du risque de change, automatisation des processus d’on/off-ramp, ou encore développement de marchés dérivés adossés à des paires de stablecoins.
Arc se positionne également comme une plateforme idéale pour l’émission et l’échange d’actifs tokenisés. Dès son lancement, le réseau prendra en charge l’USDC, l’EURC, mais aussi l’USYC, un token générant du rendement et adossé à des bons du Trésor américain de courte maturité.
L’intégration de ce type d’actifs ouvre la porte à de nouvelles pratiques, comme la gestion de trésorerie directement onchain, l’utilisation comme collatéral dans des protocoles de lending, ou encore le développement de véritables marchés de capitaux numériques.
Arc : un hub de liquidité interopérable
Arc n’a pas pour objectif de cantonner l’usage des stablecoins à son propre réseau.
Au contraire, grâce à son intégration directe avec des outils de Circle comme le CCTP (Cross-Chain Transfer Protocol) et Gateway, il se positionne comme un hub de liquidité multichain.
Concrètement, un utilisateur peut émettre de l’USDC sur Arc à partir d’un simple dépôt fiat, puis transférer ces fonds presque instantanément vers n’importe quelle blockchain connectée, sans avoir à subir les délais habituels des bridge inter-chaînes.
Cette fluidité est rendue possible par la finalité instantanée d’Arc : dès qu’une transaction est validée, les USDC peuvent être brûlés sur Arc et recréés de manière sécurisée sur le réseau de destination.
Arc devient ainsi la porte d’entrée la plus rapide pour convertir des fonds fiat en stablecoins, mais aussi l’infrastructure de distribution la plus efficace pour diffuser cette liquidité dans l’ensemble de l’écosystème crypto.
L’écosystème Circle
Arc n’est pas un projet isolé, mais une extension naturelle de l’infrastructure que Circle construit depuis plusieurs années autour de ses stablecoins.
L’une de ses principales forces est justement de s’intégrer nativement avec toute la gamme de produits déjà proposés par l’entreprise, créant ainsi un environnement cohérent et complet pour les utilisateurs comme pour les institutions.
Dès son lancement, Arc supportera USYC, le token adossé à des bons du Trésor américain à court terme, permettant aux acteurs institutionnels d’accéder directement à un rendement régulé et de l’utiliser comme collatéral ou outil de gestion de trésorerie. À travers le Circle Payments Network (CPN), Arc pourra aussi jouer le rôle de couche de règlement pour les paiements mondiaux, dans une logique comparable à celle de SWIFT mais adaptée au Web3.
Cette intégration verticale, de l’émission du stablecoin jusqu’aux paiements internationaux en passant par la gestion de la trésorerie et les solutions de transfert inter-chaînes, confère à Arc une position unique.
Roadmap
Arc s’apprête à lancer son testnet privé attendu dans les semaines à venir, avant l’ouverture d’un testnet public à l’automne 2025.
La version bêta du mainnet embarquera dès le départ les piliers du projet : un modèle de frais stables libellés en USDC, une finalité sub-seconde et la mise en place progressive du moteur FX.
Les évolutions viendront ensuite par vagues : introduction des fonctionnalités de confidentialité optionnelles, intégration de solutions d’atténuation du MEV comme les mempools chiffrés, le traitement par lots ou encore le multi-proposers.
Conclusion
Arc s’inscrit dans un moment charnière pour l’industrie.
Les stablecoins ne sont plus seulement un outil de niche au sein de l’écosystème crypto, ils deviennent un sujet stratégique pour les institutions financières, les fintechs et même les grandes entreprises technologiques.
Tether, avec ses participations dans Stable et Plasma, Stripe avec Tempo, et désormais Circle avec Arc, illustre cette course pour bâtir des infrastructures adaptées aux monnaies numériques et aux stablecoins.
Dans ce contexte, Arc apparaît comme une réponse cohérente aux attentes du marché : offrir des frais stables et prévisibles grâce à l’USDC, une finalité instantanée indispensable pour les paiements et les règlements financiers, et une confidentialité compatible avec les exigences réglementaires.
De plus, l’intégration directe avec la suite de produits Circle lui confère un avantage stratégique.
La vraie question est désormais de savoir si Arc parviendra à bâtir rapidement un écosystème solide et réellement adopté.
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