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Dernière modification effectuée le 15.09.2023 15:30
Introduction
Louis-Philippe de Ségur disait autrefois : « si l’impôt absorbe une trop grande part de notre revenu, adieu la tranquillité ! ». Voilà une formule qui tend à expliquer la volonté de départ à l’étranger de certains crypto-investisseurs. Pour eux, outre l’incertitude qui pèse sur la qualification de leur activité, payer la flat tax au taux global de 30% sur les plus-values de cessions réalisées sur actifs numériques est un fardeau à éviter impérativement.
Il s’agit en effet d’une obligation prévue pour toutes les personnes physiques domiciliées en France et qui déclenchent le fait générateur lors de l’année d’imposition – article 150 VH bis du Code général des impôts (ci-après « CGI »).
Certains investisseurs peuvent être tentés par un transfert de résidence, mais partir à l’étranger est-il nécessairement une bonne idée ? Certes, il existe sur le territoire européen des cadres fiscaux plus favorables pour retirer ses bénéfices sur actifs numériques, mais force est de constater que certains cryptos investisseurs ne sont parfois que peu informés sur les difficultés que peuvent représenter les opérations de transfert de résidence, tant d’un point de vue juridique que fiscal.
Cet article se destine à préciser les démarches que doit prendre en compte le contribuable souhaitant s’expatrier, mais aussi donner quelques exemples de pays pour lesquels les avantages d’une telle opération sont suffisamment nombreux.
Quels sont les critères de l’expatriation fiscale pour les cryptomonnaies gagnées en France ?
En droit français (article 4 B du CGI) et sous réserve de règles spéciales prévues par des conventions fiscales internationales, est résident fiscal français toute personne qui vérifie au moins l’un des critères exposés ci-dessous. Il s’agit de critères alternatifs, ce qui veut dire qu’il suffit de remplir l’un de ces critères pour être considéré comme résident fiscal de France :
1. Votre foyer est en France et vous y résidez plus de 6 mois au cours de l’année. Le foyer s’entend du lieu de votre résidence habituelle sans tenir compte de vos séjours temporaires effectués pour des raisons professionnelles ou exceptionnelles (voyages, visites d’un proche…) ; à défaut de foyer, le domicile fiscal se définit par le lieu de séjour principal ;
2. Votre activité professionnelle est en France. L’activité professionnelle est l’activité principale à laquelle vous consacrez le plus de temps ou celle qui vous procure le plus revenus.
3. Votre centre d’intérêt économique est en France. Le centre d’intérêt économique est le lieu où vous effectuez vos principaux investissements.
Négativement, il ne faut entrer dans aucune de ces situations pour ne pas être considéré comme résident.
Pour quitter la France il faut non seulement respecter les règles exposées ci-dessus, mais le contribuable doit lui-même mettre en œuvre des règles pratiques pour conforter sa situation.
En effet, pour apprécier la domiciliation d’un trader, le fisc va regarder les éléments matériels, qui sont des éléments de fait, relatifs à sa situation. Il convient donc de rassembler un maximum d’éléments permettant de justifier votre transfert : attestation de domiciliation de compte bancaire, acte de vente de l’ancienne résidence principale, quittance de loyer ou acte d’achat de la nouvelle résidence, factures d’énergie, factures liées au déménagement, etc. – cette liste étant non exhaustive.
Il se peut que vous ayez entamé votre transfert de résidence et que celui-ci entraîne un conflit de résidence entre deux États, il faut, dans ce cas, se référer aux conventions fiscales internationales, à l’aide d’un conseil juridique.
Les conséquences de l’expatriation crypto en fiscalité française
Le contribuable qui souhaite transférer sa résidence hors de France s’expose à quelques conséquences sur le plan fiscal.
Il convient d’établir la déclaration de revenus relative à l’année de départ dans laquelle vous devrez indiquer votre nouvelle adresse. Si vous aviez des revenus de source française au cours de l’année du transfert (par exemple, les loyers d’un immeuble situé en France), un compte bancaire domicilié en France ou dans les pays de la zone SEPA sera nécessaire pour le paiement de l’impôt français.
Le principal point de vigilance est un risque pour le contribuable d’avoir à payer un impôt au titre du transfert de sa résidence, à savoir l’exit tax (12,8% + prélèvements sociaux, soit 30% d’impôt), prévue à l’article 167 bis du CGI et instaurée afin de restreindre les délocalisations des Français à l’étranger.
Il s’agit d’un impôt qui s’applique en cas de transfert de résidence, sur certaines plus-values latentes, c’est-à-dire celles pour lesquelles le fait générateur n’a pas été déclenché : d’une façon résumée, il pourrait s’agir de vos gains sur crypto monnaies et autres actifs numériques, non échangés contre des biens, des services ou de l’argent fiat.
C’est un impôt extrêmement contraignant dans la mesure où, sans avoir vendu les titres, les actifs et crypto monnaies, le contribuable doit s’en acquitter sans toutefois disposer des liquidités nécessaires puisque les plus-values n’ont pas été encaissées.
D’une manière générale, l’exit tax s’applique aux contribuables qui remplissent les trois conditions suivantes :
i) avoir été résident fiscal français pendant au moins 6 des 10 dernières années,
ii) avoir transféré son domicile fiscal à l’étranger
iii) détenir un patrimoine de plus de 800.000 euros en actions, parts sociales, obligations françaises ou étrangères – seuls sont concernés les actifs listés à l’article 150-0 A, I-1 du CGI.
Exemple : je suis résident fiscal en France depuis toujours et j’y détiens des actifs financiers qui entrent dans le champ de l’exit tax. Si je décide de transférer ma résidence au Portugal pour y profiter du soleil, je devrai, en principe, payer un impôt correspondant à la plus-value sur mes actifs français alors même que ces gains n’auront pas été encaissés. Si je m’installe de nouveau en France et que mes actifs sont toujours inscrits à mon patrimoine, l’exit tax fait l’objet d’un dégrèvement voire d’une restitution.
En pratique et en cas de transfert définitif, vous pouvez soit bénéficier d’un sursis de paiement soit d’un dégrèvement dans certaines situations :
- Si le contribuable ne transfert pas sa résidence dans un État considéré comme non coopératif (« ETNC »), il peut bénéficier d’un sursis de droit, c’est-à-dire automatique, et n’aura pas à s’acquitter de l’impôt. Globalement, ce sursis expire lorsque les actifs éligibles sont cédés.
- Le contribuable peut également bénéficier d’un dégrèvement de l’exit tax en sursis de paiement. Depuis 2019, le délai de dégrèvement est de 2 ans pour les contribuables dont la valeur des titres éligibles est inférieure à 2.570.000 € ou de 5 ans lorsque la valeur dépasse ce montant.
Pour l’heure, il semblerait heureusement que cet impôt ne s’applique pas aux plus-values latentes sur actifs numériques ou aux plus-values latentes sur biens meubles incorporels. Il n’est pas mentionné dans le code général des impôts que ces plus-values entrent dans le champ de l’exit tax, ce qui conduit à les exclure par principe. Toutefois, sans précision de l’administration ou du législateur, la prudence semble de mise. En effet, certains spécialistes de la fiscalité des cryptos, dont Waltio, s’accordent à dire qu’il existe un risque à ce qu’un jour les cryptoactifs soient eux aussi soumis à cette imposition.
Pour ces raisons, dans la mesure où l’exit tax est une imposition qui ne concerne que les plus-values latentes, le contribuable devrait établir un suivi précis et détaillé de ses opérations sur crypto-actifs à l’aide des services de Waltio, surtout s’il a réalisé un grand nombre de transactions.
De plus, il est possible de sécuriser votre situation en sollicitant un rescrit auprès de l’administration fiscale avant votre départ. Le rescrit fiscal est le fait d’interroger l’administration sur l’application d’une règle fiscale à une situation personnelle : pour plus de sécurité, vous pouvez demander directement au fisc si l’exit tax sur les plus-values sur cryptomonnaies a lieu de s’appliquer ou non. Cette procédure est un gage de sécurité puisque la réponse apportée engage les services fiscaux, qui devront s’y tenir. Dans les faits, l’administration fiscale a, à plusieurs reprises, affirmé lors de rescrits que l’exit tax n’avait pas (encore) vocation à s’appliquer aux plus-values sur crypto-actifs.
L’expatriation dans un autre pays, une bonne idée ?
L’expatriation crypto en Belgique
Inutile de partir très loin pour profiter d’une imposition favorable sur vos plus-values cryptos. Sous réserve d’obtenir le statut de « bon père de famille », elles seront exonérées d’impôt sur le revenu.
Le droit belge distingue trois statuts pour les détenteurs de cryptomonnaies. L’imposition diffère selon votre cas :
- Le particulier a une gestion de « bon père de famille », c’est-à-dire sans but exclusivement spéculatif : exonération totale
- Le particulier a une gestion avec un but lucratif, sans toutefois disposer des moyens d’un trader professionnel : imposition à 33%
- Le professionnel, imposé dans les conditions de droit commun et selon les taux progressifs : imposition entre 25 et 55%
On peut relever que l’administration belge semble avoir une appréciation particulièrement stricte de la notion de « bon père de famille ». Ce statut n’est donc pas si simple à obtenir.
L’expatriation crypto au Portugal
L’énorme avantage de l’expatriation de ses cryptos au Portugal est son régime prévu pour les résidents à titre non-habituel : exonération totale des revenus issus des cryptomonnaies pour les particuliers qui ne sont pas résidents habituels.
L’avantage de ce régime est qu’il est souple, le trader devra juste remplir au moins l’une de ses conditions pour en bénéficier (sous réserve de ne pas être considéré comme résident d’un autre État :
- Séjourner pendant un minimum de 183 jours dans le pays, de manière interrompue ou continue, ou
- Avoir un endroit disponible où séjourner et avoir l’intention d’y vivre, ou
- Être membre de l’équipage d’un navire ou d’un avion portugais, ou
- Avoir un conjoint ou des enfants dans le pays, ou
- Être employé à l’étranger par l’État portugais
Cependant, les cryptos deviennent imposables si le trader a une activité commerciale professionnelle.
Le régime fiscal du résident « non-habituel » a été modifié récemment par la loi de finances 2020. Les députés portugais ont voté la fin de l’exemption d’impôts accordée aux retraités bénéficiant du statut de « résident non habituel (RNH). Un régime pointé du doigt par les institutions européennes et notamment critiqué pour avoir entraîné une hausse considérable du prix de l’immobilier. En raison de ces récentes modifications, la prudence semble de mise.
Pour l’installation dans ce pays, il existe des prestataires tels que Lisbob (https://www.lisbob.net/) pour accompagner les traders dans leurs démarches si celles-ci sont complexes, et ce de A à Z. Il est également possible de s’adresser à un comptable ou un avocat local.
L’expatriation crypto à Malte
En raison du régime fiscal maltais favorable à la cryptomonnaie, la possession de cryptos, de jetons utilitaires ou d’autres crypto-actifs n’entraine aucun impôt sur le capital, la fortune ou les successions à Malte.
Par ailleurs, le régime maltais fait que le transfert de ses cryptos depuis l’étranger vers Malte n’est soumis à aucun impôt sur les plus-values. Même les gains réalisés sur les security tokens ne seraient pas non plus soumis à l’impôt sur le revenu si le contribuable prouve que ces actifs sont situés en dehors de Malte.
Seuls les bénéfices cryptos générés par une activité professionnelle seront imposés à un impôt de 5 %.
L’expatriation crypto en Biélorussie
Un décret signé par le président biélorusse en 2018 légalise les crypto-monnaies, les ICO, smart contracts et autres outils cryptos. L’imposition sur les cryptos est nulle jusqu’en 2023 au minimum. Au vu des évolutions politiques actuelles, il ne serait pas étonnant qu’en réalité cette absence d’imposition sera continuée après 2023.
Comme pour les pays précédents, il y a possibilité d’adopter le régime de résident temporaire (1 an renouvelable chaque année) ou le régime de résident permanent (après 5 ans passés sur place).
L’avantage principal de la Biélorussie, c’est qu’à côté des revenus sur les cryptos il est envisageable de dégager des revenus d’activité professionnelle qui seront imposés à une flat tax de 13 % seulement, donc sans régime de progressivité. L’impôt sur les sociétés, quant à lui, est aussi proportionnel à 18%.
L’expatriation crypto en Suisse
La Suisse est souvent désignée pour comme une terre d’exil en matière fiscale. Un poncif ?
La Suisse exonère d’impôt les plus-values sur titres financier depuis toujours, à la condition d’agir en particulier. Cette exonération concerne également les plus-values sur crypto-actifs, sous réserve de ne pas être qualifié de professionnel.
L’administration fiscale Fédérale Suisse énonce une série de critères permettant de qualifier un professionnel. Comme toujours en la matière, il faut garder à l’esprit que vous devrez remplir plusieurs de ces critères pour être considéré comme pro :
- Critères principaux : montant et volume des transactions – recours à des fonds étrangers (emprunt)
- Critères secondaires : quel est le profil du contribuable, dispose-t-il d’informations spécifiques, du fait de sa situation professionnelle ? Quelle est sa façon d’agir ?
Si vous ne cochez pas plusieurs de ces critères, vous n’aurez pas à payer d’impôt sur votre plus-value crypto.
Concernant les autres revenus, la Suisse présente un taux d’imposition moyen de 40%, soit ce qui prévaut en France. On peut donc affirmer que le seul réel avantage pour un particulier serait de pouvoir cash-out en terre helvétique.
Et l’expatriation crypto à Dubaï ?
Vous le savez, la ville des Emirats est connue pour son absence d’imposition sur le revenu, et partant, sur cryptomonnaies.
Les choses ne sont pas si simples puisque vous devrez n’entrer dans aucun des critères français que nous vous avons exposés.
Pour comprendre la situation, sachez qu’en cas de conflit de résidence (lorsque vous êtes considéré comme résident des deux Etats depuis votre transfert), c’est la convention fiscale conclue entre les deux Etats qui permet de trancher le conflit. En d’autres termes, vous pouvez remplir des critères français, tout en étant résident de Dubaï si la convention tranche le conflit en votre faveur.
D’accord, mais c’est sans compter l’article 19.2 de la convention conclue entre les EAU et la France. Cette disposition est extrêmement bloquante. Vous allez comprendre.
En application de cet article, si l’application de la convention conduit à vous considérer comme résident des EAU, mais que vous remplisser un seul (!) des critères français, vous devrez tout de même payer vos impôts en France malgré votre statut de résident dubaïote !
Vous comprenez donc qu’il sera impératif de couper au maximum les liens avec la France si vous projetez vous installer aux EUA et ainsi profiter de leur imposition privilégiée.
Conclusion
Il existe plusieurs autres pays dans lesquels l’expatriation peut présenter certains avantages pour les investisseurs crypto, mais à l’heure actuelle il semblerait que les pays évoqués ci-dessus correspondent aux solutions les plus sereines si vous résidez en France, tant d’un point de vue fiscal, que logistique et géographique.
En outre, vous l’avez vu, certaines autres options, comme l’expatriation vers les Emirats Arabes Unis où l’imposition est nulle sur les cryptos, peut être vue comme un peu plus risquée en raison d’une attention particulière de l’administration fiscale française sur ce pays dénué de fiscalité. De même pour un grand nombre d’Etats et territoires non-coopératifs comme les Bahamas, les Bermudes, ou encore le Salvador.
Sources
- Navis fiscal (éditions Francis Lefebvre)
- https://bofip.impots.gouv.fr/
- https://news.bitcoin.com/cryptocurrencies-activities-legal-tax-free-belarus-starting-march/