Depuis plus de dix ans, les blockchains publiques s’imposent comme une infrastructure clé du numérique et de la finance.
Elles ont ouvert la voie à la finance décentralisée, à la tokenisation des actifs ou encore aux stablecoins.
Mais malgré ces avancées, elles peinent à répondre à une question simple : comment accueillir des millions d’utilisateurs en temps réel ?
La promesse de Somnia est d’offrir une compatibilité totale avec l’écosystème EVM (Ethereum), tout en atteignant des performances théoriques supérieures à un million de transactions par seconde, avec une finalité des opérations inférieure à une seconde et un temps de bloc moyen de 100 ms.
L’objectif est de permettre la construction d’applications à l’échelle du Web2, mais avec les garanties de propriété, de transparence et de portabilité propres au Web3.
Quel problème Somnia souhaite résoudre ?
Le Web3 a permis de démocratiser l’accès à la finance, mais il reste largement centré sur ce seul domaine. Les blockchains actuelles offrent des outils puissants pour échanger des actifs, lever des fonds ou développer des produits dérivés.
En revanche, elles se montrent limitées lorsqu’il s’agit d’héberger des applications grand public en temps réel.
Les contraintes sont multiples et les coûts de transaction restent élevés sur Ethereum. Les délais de finalité des opérations/transactions dépassent souvent plusieurs minutes, et le nombre de transactions par seconde reste faible, ce qui empêche toute expérience fluide à grande échelle.
Quant aux blockchains plus rapides comme Solana ou Aptos, elles affichent des performances prometteuses mais reposent sur des architectures incompatibles avec l’écosystème EVM nativement.
Cela oblige les développeurs à réécrire leurs applications et les prive d’un environnement déjà riche en outils et en contenu.
Polygon, Avalanche ou la BNB Chain améliorent ces résultats, mais plafonnent à quelques centaines de transactions complexes par seconde, souvent avec une finalité variable.
Ce plafond technique a des conséquences directes :
- Les jeux en ligne doivent encore s’appuyer sur des serveurs centralisés pour gérer les interactions entre joueurs.
- Les réseaux sociaux ne peuvent pas fonctionner entièrement on-chain, sous peine de congestion immédiate.
- Les métaverses peinent à garantir la portabilité des actifs et des identités entre différents environnements.
En somme, les usages les plus attendus du Web3 restent contraints par une infrastructure incapable de supporter la charge du Web2.
La solution proposée : Somnia
Somnia se présente comme une Layer 1 entièrement compatible avec l’EVM (la machine virtuelle d’Ethereum), mais conçue dès le départ pour dépasser les limites de performance des réseaux existants.
L’ambition est d’atteindre plus d’un million de transactions par seconde, avec une finalité inférieure à la seconde et un blocktime de 0,1 seconde. Ce niveau de rapidité permettrait d’héberger des applications interactives en temps réel, comparables aux standards du Web2.
Le projet ne vise pas seulement la performance brute. Il s’appuie sur une philosophie particulière, celle du « multiverse » plutôt que du monolithe.
Plutôt que de bâtir un environnement unique et fermé, Somnia entend soutenir une multitude d’applications interconnectées. Chacune conserve son identité propre, mais les actifs et les utilisateurs peuvent circuler librement d’un univers à l’autre.
Cette logique favorise la portabilité et la collaboration, tout en évitant les effets de verrouillage souvent présents dans les plateformes centralisées.
La compatibilité avec l’EVM est au cœur de cette approche. Alors que d’autres blockchains ont dû sacrifier cet écosystème pour gagner en rapidité, Somnia cherche à combiner les deux.
Les développeurs peuvent ainsi réutiliser les outils, langages et contrats existants, tout en accédant à une nouvelle infrastructure capable de soutenir des millions d’utilisateurs simultanés.
Fonctionnement technique
L’architecture de Somnia repose sur plusieurs choix techniques destinés à lever les principaux goulots d’étranglement des blockchains actuelles : vitesse d’exécution, stockage, et bande passante.
Consensus de Somnia
Le consensus repose sur un mécanisme baptisé MultiStream : un protocole BFT partiellement synchrone inspiré de Autobahn BFT.
Côté décentralisation, le réseau dispose actuellement de 36 validateurs répartis dans le monde et ambitionne d’en atteindre une centaine, à la manière d’une chaîne souveraine sur Cosmos Network.
Chaque validateur dispose de sa propre « data chain », où il publie ses blocs indépendamment.
Ces chaînes sont ensuite agrégées dans une « consensus chain ». Cette séparation permet de découpler la production de données et le consensus, tout en rendant possible des techniques avancées de compression en continu.
Exécution des transactions
L’exécution des transactions s’appuie sur une approche différente de nombreux projets récents*. Plutôt que de chercher à paralléliser le traitement sur plusieurs cœurs, Somnia optimise la vitesse d’un seul cœur.
*Solana avance également dans ce sens avec les travaux récents sur son client d’exécution Agave
Le bytecode EVM est compilé en code natif x86 (source), ce qui réduit considérablement le temps d’exécution pour les applications qui sont appelées fréquemment. Cela approche une vitesse quasi-native (la vitesse native étant la fonctionnalité équivalente écrite à la main en C++).
Toutefois, ce gain de performance a un coût : la compilation en code natif est une opération relativement lourde. C’est pourquoi cette approche n’est pertinente que pour les contrats exécutés de manière récurrente, tandis que les autres continuent d’être traités par l’EVM interprété classique.
Un simple transfert ERC-20 peut ainsi être traité en quelques centaines de nanosecondes. Ce choix permet de gérer efficacement les pics de charge, par exemple lors d’un mint massif ou d’une forte volatilité sur un actif.
Stockage
Pour le stockage, Somnia a conçu une base de données spécifique appelée IceDB.
Elle offre des performances déterministes, avec des lectures et écritures en moyenne entre 15 et 100 nanosecondes.
IceDB intègre également un mécanisme de snapshot natif, qui accélère la vérification de l’état du réseau.
Contrairement aux bases de données courantes comme LevelDB ou RocksDB, elle évite les écarts de latence qui compliquent la tarification du gas et peuvent ralentir la chaîne.
Bande passante
Enfin, la question de la bande passante est abordée à travers des techniques de compression avancées.
La distribution des transactions suit souvent une loi de puissance, ce qui rend possible une réduction significative de la taille des données transmises.
Somnia combine ce principe avec l’agrégation de signatures via le schéma BLS, réduisant le volume à échanger et le coût de vérification.
L’objectif est de rendre viable le traitement de centaines de milliers, voire de millions de transactions par seconde, sans créer un réseau trop centralisé.
Sécurité
En matière de sécurité, Somnia adopte une philosophie de « décentralisation suffisante ».
Le réseau démarre donc avec des dizaines de validateurs répartis dans le monde, équipés de matériel proche des standards d’Aptos ou Solana.
Le mécanisme de proof of stake inclut des pénalités en cas de comportement malveillant. Pour renforcer la fiabilité, chaque transaction est exécutée à la fois par le client Somnia et par une implémentation distincte appelée Cuthbert.
En cas de divergence, le validateur cesse immédiatement de voter, ce qui limite les risques liés aux bugs logiciels.
Cas d’usage de Somnia
Somnia veut dépasser le cadre de la finance décentralisée pour ouvrir la voie à des applications grand public. Ses performances visent à soutenir des usages interactifs en temps réel, jusque-là incompatibles avec les blockchains.
Le premier terrain d’application est le gaming (@somniaGames_).
Somnia permettrait de créer des jeux entièrement on-chain, où règles, actifs et évolutions sont inscrits dans le registre.
Contrairement aux modèles actuels reposant sur des serveurs privés, ces jeux pourraient perdurer même sans leur éditeur. Les joueurs conserveraient la pleine propriété de leurs objets, et des développeurs tiers pourraient enrichir le gameplay en ajoutant de nouvelles fonctionnalités.
Le projet cible aussi les réseaux sociaux. Les comptes et contenus appartiendraient directement aux utilisateurs, qui pourraient les transférer d’une plateforme à une autre. Cette portabilité constituerait une alternative aux environnements centralisés actuels, qui verrouillent données et audiences.
Enfin, Somnia insiste particulièrement sur le métaverse comme terrain d’application majeur.
Le projet met en avant la possibilité de créer des mondes interopérables où avatars et actifs circulent librement, sans dépendre d’un acteur central.
Ce positionnement surprend, car le récit du métaverse, omniprésent en 2021, a depuis largement perdu de son élan. En choisissant d’y accorder une place centrale, Somnia parie sur la résurgence d’un concept que beaucoup d’acteurs jugent désormais secondaire dans l’évolution du Web3.
Au-delà de ces cas concrets, l’équipe insiste sur la possibilité de voir émerger de nouveaux usages encore imprévus. Tout service nécessitant des interactions massives et en temps réel (communication, événements en ligne, services collaboratifs) pourrait théoriquement être bâti sur Somnia.
Tokenomics et gouvernance
L’économie du réseau Somnia repose sur le token SOMI, dont l’offre maximale est fixée à un milliard (1000000000) d’unités. Ce jeton assure plusieurs fonctions : paiement des frais de transaction, sécurisation du réseau via le staking, et participation progressive à la gouvernance.
Le modèle de staking est structuré autour des validateurs. Pour opérer un nœud, un acteur doit immobiliser cinq millions (5000000) de SOMI.
Les validateurs sont rémunérés à partir des frais de transaction et d’incitations issues du trésor.
Les détenteurs de tokens peuvent déléguer leurs SOMI à des validateurs, en échange d’une partie des récompenses. Le système prévoit un délai de retrait de 28 jours, avec la possibilité d’un retrait d’urgence entraînant la perte de la moitié des fonds débloqués. Ce mécanisme vise à renforcer la stabilité du réseau.
Les frais de transaction suivent une logique proche d’Ethereum, mais adaptée à l’échelle de Somnia.
Le coût dépend de la consommation en gas, auquel s’applique un prix dynamique. Pour encourager l’adoption, un système de remises progressives réduit le coût effectif des applications à fort volume.
De plus, Somnia introduit une distinction entre stockage permanent et stockage temporaire, utile notamment pour les jeux et les applications sociales. Cette flexibilité permet d’ajuster les coûts aux besoins réels, tout en évitant une surcharge inutile de l’état global.
La répartition initiale des SOMI réserve environ 28 % à la communauté et 27 % à l’écosystème, afin de soutenir la liquidité et financer les partenariats. Le reste revient aux investisseurs, partenaires, conseillers et membres de l’équipe, avec des périodes de vesting de trois à quatre ans pour garantir un alignement à long terme.
Côté gouvernance, Somnia prévoit une évolution progressive. Dans un premier temps, la Fondation conserve la responsabilité principale, notamment sur l’allocation des fonds et la mise à jour du protocole.
À moyen terme, différents organes prendront le relais : un Token House pour les détenteurs de SOMI, un Validator Council pour les questions techniques, un Developer Council pour la feuille de route, et une User Assembly chargée de représenter les utilisateurs. L’objectif est d’aboutir à une gouvernance distribuée entre plusieurs groupes, tout en conservant une capacité d’intervention en cas de crise.
À court terme, les priorités portent sur l’ouverture du réseau aux développeurs, la mise en place des mécanismes de tarification dynamique et le déploiement complet du modèle de stockage différencié.
L’enjeu est de prouver rapidement que l’infrastructure peut soutenir des applications réelles à grande échelle, au-delà des benchmarks théoriques.
Conclusion
Somnia avance des promesses techniques impressionnantes et veut se positionner comme une blockchain EVM capable d’héberger des usages grand public en temps réel. Mais à ce stade, le projet n’en est qu’au testnet, et son avenir reste incertain.
Les narratifs mis en avant (NFT, métaverse, SocialFi) ne séduisent plus autant qu’il y a quelques années.
Or, lorsque l’on observe les applications déjà construites sur Somnia, rien ne se démarque réellement ni n’est de nature à attirer de nouveaux utilisateurs.
Les statistiques le confirment : après un pic initial, l’activité retombe rapidement et le nombre de comptes actifs se réduit.
Somnia devra donc prouver sa capacité à générer un écosystème vivant et des cas d’usage concrets.
Sans cela, même une architecture performante risque de rester une promesse technique sans adoption réelle.