La démocratisation du Proof of Stake, impulsée avec l’initiative The Merge d’Ethereum, a suscité des débats animés concernant la résilience du mécanisme de consensus Proof of Work, au sein des projets de crypto monnaies qui envisagent de se lancer.
Au milieu de cette arène idéologique, le projet Kaspa fait surface avec l’objectif de réhabiliter la réputation solidement ancrée de la Preuve de Travail (PoW), en y intégrant sa propre perspective. Explorons quelle est cette perspective et ce qu’il apporte d’innovant.
Qu’est-ce que Kaspa (KAS) ?
Kaspa est une crypto monnaie, comme Bitcoin, conçue pour répondre aux défis d’évolutivité et de performances, rencontrés par de nombreuses blockchains PoW existantes comme Bitcoin, Monero, ZCash, Dash etc.
Sa conception repose sur des mécanismes combinant les avantages des blockchains linéaires avec les innovations du Directed Acyclic Graph (DAG), un réseau non linéaire d’enregistrement, ouvrant la voie à une autre manière de réfléchir à la scalabilité.
Kaspa introduit un modèle hybride appelé BlockDAG, une infrastructure qui fusionne les concepts traditionnels des blockchains avec les avantages du DAG. Cette approche promet une réponse évolutive qui pourrait bien résoudre le trilemme classique des blockchains tout en restant dans le domaine du PoW.
Le Consensus Nakamoto
Le consensus Nakamoto, nommé d’après le pseudonyme du créateur de Bitcoin, Satoshi Nakamoto, est un mécanisme de consensus utilisé dans les systèmes blockchain pour parvenir à un accord sur l’état du registre distribué sans avoir à faire appel à une autorité centrale.
Il implique une dépense énergétique (minage) pour résoudre des problèmes cryptographiques et inclure des transactions dans les blocs, ce qui confère une valeur implicite aux bitcoins nouvellement créés. Les blocs sont sélectionnés en privilégiant la chaîne la plus longue en cas de divergence, tandis que la rareté est maintenue par la limite de 21 millions d’unités.
Ce mécanisme, bien qu’intensif en ressources, a été la base du succès initial de Bitcoin et continue d’être défendu et utilisé par de nouveaux projets. Kaspa retient ce mécanisme, mais elle lui apporte quelques modifications pour le rendre plus scalable.
Le BlockDAG
La blockchain linéaire, qui a été le pilier fondamental de nombreuses infrastructures de crypto monnaies, se caractérise par sa séquence continue et ordonnée de blocs reliés. Cette architecture est la plus connue et la plus répondue actuellement.
Le DAG peut avoir plusieurs chemins possibles, permettant la parallélisation des transactions, le fait de pouvoir traiter plusieurs transactions en parallèle permet d’améliorer la capacité du réseau à traiter un grand nombre de transactions par rapport aux blockchains qui elles, traitent les blocs les uns après les autres.
Les nouvelles transactions se lient à plusieurs transactions antérieures, et un algorithme favorise généralement celles avec le plus de confirmations. La confirmation d’une transaction survient lorsqu’une nouvelle transaction s’y attache.
Cependant, dans ce type de réseaux, des conflits peuvent se produire lorsque plusieurs transactions sont confirmées simultanément ou lors des pics de latence du réseau. On reviendra sur ce problème plus tard dans l’article.
Le BlockDAG de Kaspa : GhostDAG
C’est ici que le modèle hybride BlockDAG de Kaspa entre en jeu. En intégrant les avantages de la blockchain et du DAG, Kaspa propose une architecture innovante qui allie traçabilité et évolutivité. Ce modèle permet à Kaspa de maintenir la cohérence de la chaîne tout en offrant une parallélisation des transactions, réduisant ainsi les problèmes de congestion qui peuvent survenir dans les systèmes strictement linéaires.
La cruciale du BlockDAG de Kaspa est l’utilisation du DAG pour la validation des transactions. Contrairement aux blockchains linéaires où les transactions sont groupées dans des blocs et ajoutées à la chaîne de manière séquentielle, les transactions dans le DAG de Kaspa peuvent être validées dès qu’elles sont émises.
Cette approche accélère le processus de confirmation des transactions, contribuant ainsi à améliorer la vitesse globale du réseau.
Le protocole de consensus GhostDAG est au cœur de cette architecture. Il s’agit d’une adaptation évoluée du protocole Ghost (Greedy Heaviest Observed Subtree) qui résout les problèmes de sécurité et d’efficacité auxquels sont confrontés les systèmes de consensus traditionnels. Le GhostDAG sélectionne la branche la plus lourde du graphe, ce qui garantit la sécurité de la blockchain tout en favorisant l’évolutivité grâce à la structure du DAG.
Bitcoin vs. Kaspa, les différences
Alors que Bitcoin a jeté les bases du consensus, Kaspa l’apprenti sorcier, en essaient de repousser les limites en intégrant des mécanismes qui permettent une sélection de la chaîne plus flexible, une utilisation plus efficace des ressources et une réduction significative des blocs orphelins.
Sélection de la chaîne principale
Bitcoin repose sur le principe du consensus Nakamoto où la chaîne de blocs la plus longue est considérée comme la chaîne principale. Cette approche vise à sécuriser le réseau en incitant les mineurs à travailler sur la chaîne la plus longue, car elle représente la majorité de la puissance de calcul. Cependant, cette méthode peut parfois entraîner des forks.
Dans le contexte du GhostDAG de Kaspa, la sélection de la chaîne principale prend une tournure plus dynamique. Plutôt que de simplement favoriser la chaîne la plus longue, le GhostDAG privilégie la branche la plus lourde en termes de poids cumulatif des transactions. Cette approche assure une sécurité accrue tout en pondérant la puissance de calcul. Ainsi, le GhostDAG adapte la sélection de la chaîne principale pour répondre aux besoins des écosystèmes numériques modernes.
Branches et sous-branches dans le GhostDAG
Alors que Bitcoin se concentre sur la chaîne principale linéaire, le GhostDAG introduit la notion de branches et de sous-branches. Dans le GhostDAG, chaque transaction peut créer une nouvelle branche, et les sous-branches peuvent être formées à partir de transactions non conflictuelles. Cette structure permet une plus grande parallélisation des transactions et offre une résilience accrue contre les attaques potentielles.
Cette caractéristique est fondamentale pour améliorer l’évolutivité du réseau, car elle réduit les goulots d’étranglement en permettant aux transactions de se propager sur différentes branches. Contrairement à Bitcoin, où les transactions attendent dans la file d’attente des blocs, le GhostDAG permet une utilisation plus efficace des ressources réseau et garantit que les transactions peuvent être confirmées plus rapidement.
La réduction des Blocs Orphelins :
Un problème auquel sont confrontées de nombreuses blockchains est celui des blocs orphelins. Dans le consensus Bitcoin, lorsque deux mineurs résolvent un bloc similaire en même temps, l’un d’entre eux devient un bloc « orphelin », un bloc qui n’est pas inclus dans la chaîne principale.
Ces blocs orphelins représentent un gaspillage de ressources, de calcul et de temps.
Grâce au DAG (et son système de parallélisation des transactions), Kaspa permet aux blocs de coexister sans être rejetés, évitant ainsi le gaspillage de ressources. Cela renforce encore plus la robustesse d’un réseau PoW.
Protocol DAGKnight
Comme nous avons vu plus haut, le protocole GhosteDAG de Kaspa est très performant, mais il reste vulnérable au ralentissement de la communication réseau. Pour résoudre ce problème, qui peut amener à une attaque 51%, l’équipe travaille sur une nouvelle version du DAG appelé DAGKnight.
Un ralentissement de la communication réseau est tout simplement ce qu’on appelle de la latence, une augmentation abrupte du temps nécessaire aux données pour circuler entre les nœuds et être confirmées sur la blockchain. Lorsque de telles fluctuations surviennent, elles créent un retard dans la confirmation des transactions, prolongeant ainsi le temps nécessaire à la convergence du réseau.
Ce délai, causé par la santé du réseau, présente une vulnérabilité critique. Dans le contexte des attaques 51%, les pics de latence réduisent le seuil nécessaire aux acteurs malveillants pour prendre le contrôle de la majorité des nœuds du réseau. Avec une augmentation de l’inactivité, les attaquants ont besoin de contrôler un pourcentage plus petit de nœuds à un instant T pour exercer leur influence et manipuler les transactions et les données de la blockchain.
En réduisant le temps nécessaire pour confirmer les blocs, DAGKnight élève efficacement le niveau de sécurité contre les attaques à 51%. Son ajustement dynamique des temps de confirmation en fonction des conditions du réseau en temps réel permet au protocole de s’adapter et de réagir rapidement aux pics de latence.
Le Mécanisme de pruning
Dans le domaine des blockchains, la gestion efficace des ressources et de l’espace de stockage est cruciale pour maintenir des réseaux rapides et résilients. C’est là qu’intervient le concept de nœuds d’élagage (pruning) et d’archivage, des mécanismes ingénieux visant à optimiser la taille du registre blockchain tout en préservant l’intégrité des données.
Le pruning, est une technique qui permet de réduire la taille du registre blockchain en supprimant les données historiques qui ne sont plus nécessaires pour la validation des transactions futures. Concrètement, cela signifie que les nœuds d’élagage ne conservent que les données essentielles pour valider les transactions récentes, tout en éliminant les informations obsolètes.
Ce mécanisme est particulièrement bénéfique pour améliorer l’efficacité du stockage et de la bande passante. Les nœuds d’élagage peuvent continuer à participer au réseau en tant que validateurs, mais avec une empreinte plus légère. Cela favorise une meilleure distribution des ressources et facilite la participation des utilisateurs ayant des capacités de stockage limitées.
L’équipe et la communauté Kaspa
Le projet Kaspa a vu le jour grâce à une équipe diversifiée et passionnée de développeurs, d’ingénieurs et de visionnaires de la blockchain.
Parmi les contributeurs principaux, Yonatan Sompolinsky se distingue en tant que fondateur de Kaspa, en plus de ses rôles en tant que cryptographe, mathématicien et postdoctorant au sein de l’équipe de recherche sur la Maximal Extractable Value (MEV) à Harvard.
D’autres contributeurs notables incluent Aviv Zohar, co-auteur du protocole Ghost, et des chercheurs et développeurs de systèmes distribués tels que Michael Sutton, Shai Wyborski, Ori Newman, Mike Zak et Elichai Turkel.
Les Kaspa Improvements Proposals (KIP)
Comme les BIP pour Bitcoin et EIP sur Ethereum, Kaspa permetà la communauté de faire des propositions pour améliorer le protocole. Avec les KIP la communauté Kaspa propose, discute et met en œuvre des améliorations au réseau.
Dans cette perspective participative, chaque membre actif de la communauté détient la possibilité de façonner une proposition destinée à perfectionner la structure de Kaspa. Cette proposition, soumise à l’exigence d’une pertinence concrète et d’une exécution envisageable, peut ainsi être soumise à un financement qui correspond au potentiel d’apport des détenteurs et mineurs de la cryptomonnaie KAS.
Au cœur de cette approche, les ressources financières sont consciemment maintenues dans un portefeuille multi-signature spécifique, dont la gestion est confiée à plusieurs responsables de la trésorerie.
Utilité de la cryptomonnaie Kaspa (KAS)
Kaspa (KAS), s’inspirant du modèle de Bitcoin (BTC), s’est construit en tant que projet fortement ancré dans la communauté, opérant sans intervention d’une autorité centrale. Cette caractéristique se reflète dans son lancement équitable, évitant tout favoritisme envers un groupe particulier et rejetant tout pré-minage ou système d’allocation de tokens.
À l’heure actuelle, en septembre 2023, le réseau a miné 21 milliards de KAS, ce qui fait un pourcentage de coins minés d’un peu près 75 %, un nombre qui s’inscrit dans une limite totale de 28,7 milliards de KAS.
La trajectoire d’émission de la KAS a débuté par une phase initiale, durant les six premiers mois suivant la sortie du mainnet. Cette période a été marquée par une inflation significative. Par la suite, la structure incitative a cédé la place aux « halvings chromatiques », une stratégie de réduction de moitié de l’émission annuelle, accompagnée d’une diminution progressive mensuelle.
Cette émission de coins KAS est planifiée jusqu’en avril 2038, englobant ainsi une période de plus de 15 ans après le minage du bloc Genesis.
Conclusion
Le projet Kaspa propose une approche novatrice pour relever les défis du Proof of Work en combinant les avantages des blockchains linéaires avec les innovations du DAG. Leurs modèles hybrides BlockDAG, GhostDAG et DAGKnight, semblent prometteurs pour améliorer la scalabilité et la sécurité de leur réseau.
L’utilisation de l’algorithme kHeavy Hash pour le mining, le mécanisme de pruning et la participation active de la communauté à travers les KIPs témoignent de l’engagement de Kaspa dans le développement d’une blockchain sérieuse et démocratique. L’équipe travaille aussi dans l’intégration de smart contracts, chose qui pourrait faire avancer énormément le projet.
Enfin, en mettant l’accent sur la parallélisation des transactions, l’efficacité énergétique et la distribution équitable du pouvoir de calcul, Kaspa propose un projet intéressant qui pourrait servir d’exemple pour l’avenir des blockchains basées sur le PoW.