Nick Szabo – Portrait du créateur des smart contracts et de l’ancêtre du Bitcoin

Nick Szabo est un nom qui revient souvent dans le monde la crypto-monnaie. Il est à l’origine des smart-contracts et il est le créateur d’une monnaie numérique proche du Bitcoin. Ses compétences juridiques, économiques et informatiques font qu'il est souvent suspecté d’être Satoshi Nakamoto. Regardons de plus près l’histoire de ce personnage intriguant et de son implication dans l’univers crypto.

Qui est Nick Szabo ?

Nick est un informaticien américain d’origine hongroise. Nous avons peu d’informations sur son enfance, mais on sait que son père a combattu lors de la révolution hongroise de 1956. Il a révélé dans une interview cette partie compliquée de la vie de son père qui a combattu le régime communiste lorsque ce dernier tuait, oppressait et confisquait les propriétés de son peuple. Nick avait donc conscience depuis tout petit de l’abus de pouvoir que pouvaient avoir certains gouvernements ou certaines entités centralisées.

Il étudie l’informatique à l’université de Washington et est diplômé en 1989. Plus tard, il retournera à l’université pour suivre des études de droit afin de mieux comprendre le cadre légal des contrats et de la loi, et sera diplômé en 2006.

Il a donc des compétences dans de nombreux domaines : blockchain, informatique, droit, cryptographie, socioéconomie. C’est un personnage complet avec de nombreuses connaissances, comme le prouve son blog nommé “unenumerated”.

Vous pouvez trouver sur ce site des centaines d’articles postés par Nick entre 2005 et 2018. Les thèmes abordés sont variés, on passe d’un article sur la séparation des pouvoirs à un texte sur les conséquences de la peste noire sur l’agriculture… Mais une grande partie des sujets sont évidemment consacrés à la blockchain, au système monétaire, au Bitcoin et aux banques.

Dans les années 90, il se rapproche du mouvement cypherpunk et participe aux réunions organisées en Californie. Il est alors avec d’autres personnes connues aujourd’hui dans l’histoire de la cryptomonnaie comme Adam Back (hashcash), Hal Finney (PGP 2.0) et Timothy May. Ensemble, ils discutent d’un système monétaire libéral et de leurs convictions sur la protection de la vie privée des individus. Le mouvement cypherpunk est à l’origine de nombreux projets et de nombreuses idées qui ont conduit à la blockchain et aux cryptomonnaies.

cypherpunks Nick Szabo Hal Finney Adam Back
Membres des cypherpunks et de leurs inventions

Nick Szabo, le premier à employer le terme de smart contract

Les smart contracts (ou contrats intelligents) sont des contrats informatiques autonomes qui permettent une négociation ou une transaction. Ils s’exécutent selon certaines conditions prédéfinies. Depuis quelques années, des éléments venus de l’extérieur peuvent déclencher ces conditions grâce aux Oracles. Aujourd’hui, les contrats intelligents sont des piliers de la finance décentralisée et de l’univers crypto en général.

En 1994, Nick Szabo publie un premier article proposant une définition des smart contracts. C’est la toute première fois que le terme est utilisé. Il explique notamment que ces contrats numériques permettent de mieux satisfaire les parties prenantes, de minimiser les risques intentionnels ou accidentels, et de réduire le besoin d’un tiers de confiance.

Smart contract Ethereum
Smart contract dans le cas d'une transaction (credit : Cleveroad)

En 1996, il publie un deuxième article nommé “Smart Contracts : Building Blocks for Digital Markets“. Il décrit alors les smart contracts, leur utilité et comment nous pourrions les utiliser dans la vie de tous les jours. Selon lui, les contrats intelligents seraient beaucoup plus respectés et compréhensibles. Il fait ensuite le rapprochement avec la cryptographie et la blockchain, en expliquant le concept de clé publique et privée (cryptographie asymétrique). En effet, grâce à la blockchain, les contrats sont théoriquement incorruptibles et la falsification est impossible.

À travers son texte, on comprend parfaitement sa vision globale des relations économiques et juridiques et de l’intérêt des contrats intelligents avec les monnaies digitales. 25 ans plus tard, les développeurs blockchain codent des smart contracts sur Ethereum et d’autres blockchains. Ces contrats s’étendent à des domaines de plus en plus divers et variés. Le travail de Nick se concrétise et ses idées sont reconnues comme des contributions majeures.

Création de l’ancêtre du Bitcoin : le bit gold

Il y a eu de nombreuses créations de monnaies numériques par le passé, mais peu ont autant ressemblé à Bitcoin que le bit gold de Nick Szabo. Il travaillait sur sa monnaie à partir de l'année 1998, mais n’en parlera publiquement que des années après. Depuis toujours, Nick désigne les “troisième parties”, c’est-à-dire l’intermédiaire censé être de confiance lors d’une négociation ou une transaction, comme des “trous de sécurité”. Pour lui, le système monétaire est problématique, car pas assez sécurisé, et trop dépendant de la confiance que doivent s’accorder les différents acteurs.

Le bit gold résout cette problématique avec un système de proof of work, comme le Bitcoin que nous connaissons (pour cela, il s’inspire des travaux d’autres membres des cypherpunks comme le Hashcash d’Adam Back). Le système de Hash et de résolution d’énigme pour trouver le bon numéro est différent, mais le principe reste le même. Le but est d’améliorer le concept d’économie basée sur les métaux précieux, qui a trop d’inconvénients (impossibilité de payer avec, insécurité lors du transport, intermédiaires pour échanger contre de la monnaie, percepteurs de taxes sur les échanges).

Bit gold en 1998 ou Bitcoin en 2008 : le principe de Proof of Work

Nick n’avait, en revanche, pas trouvé de solution viable pour contrer l’inflation de sa monnaie. En effet, les ordinateurs évoluant, il est de plus en plus simple et donc rapide de résoudre l’équation, et de créer un bit gold. Il a alors l’idée de noter la date du hash sur chaque transaction pour qu’on accorde une plus grande valeur aux jetons plus anciens, mais se pose alors le problème de la fongibilité.

Pour le reste, la vision de Szabo sur le bit gold est la même que celle de Satoshi pour le Bitcoin : une monnaie numérique qui n’aurait pas besoin d’intermédiaires, qui pourrait être envoyée instantanément partout dans le monde, qui serait stockée en sécurité grâce aux clés privées et qui permettrait de s’affranchir des institutions financières. Le bit gold n’a jamais eu d’application concrète, Nick s’est arrêté à la théorie.

Pensé 10 ans plus tôt, le modèle du bit gold se rapproche très fortement du Bitcoin lancé en 2008.

Nick Szabo est-il Satoshi Nakamoto ?

Nick a toujours nié être Satoshi. Mais il est vrai que les suspicions sont fondées : il a de très bonnes compétences en économie, en droit et en informatique, que Satoshi doit forcément avoir. Il a rédigé des articles sur les contrats intelligents et sur le bit gold 10 ans avant la création du Bitcoin. Satoshi a aussi écrit sur le forum bitcointalk : “Bitcoin est une implémentation de la b-money proposée par Wei Dai sur la liste de diffusion Cypherpunks en 1998 et du Bit gold proposé par Nick Szabo”. Mais plusieurs cypherpunks affirment que Satoshi n’avait pas connaissance de bit gold au moment du lancement de Bitcoin et qu’il n’a découvert les travaux de Szabo qu’ensuite.

Satoshi a cessé de poster des messages quand la CIA a commencé à s’intéresser au Bitcoin en 2011. Il semblerait donc bizarre que Nick soit Satoshi, car il ne se cache pas du tout. Il est actif sur Twitter, répond aux interviews et participe aux conférences Bitcoin.

En 2017, la question s’est reposée suite à une erreur de langage de Nick Szabo lors d’une interview de Tim Ferris dans laquelle il répond “I’d definitely go for a second layer, I mean, I designed Bitcoi… gold with two layers”. Au même titre que Hal Finney ou Wei Dai, son travail a influencé positivement le monde cryptographique et la blockchain et il continue d’être un membre important et actif de la communauté.

Sources