Les dons en crypto ont le vent en poupe ! Aujourd’hui, on estime à plus de 300 millions de dollars en moyenne les dons en cryptos effectués chaque année dans le monde pour des associations caritatives.
Vitalik Buterin a même récemment versé plus de 1 milliard de dollars en tokens $SHIB au fonds de secours COVID-19 en Inde.
Si ces dons s’inscrivent sans doute dans une démarche philanthropique, les donataires ont sûrement d’autres considérations derrière la tête…
Le cadre français offre quelques possibilités en matière de dons en cryptomonnaie vous permettant de ne pas payer la flat-tax de 30 % au fisc : il vaut mieux que ce soit vos proches qui dépensent l’argent patiemment tradé plutôt que l’Etat, n’est-ce pas ?
Cela étant dit, ce cadre n’est pas non plus illimité : les dons sont réservés aux majeurs seulement et suivent certaines règles impératives. Comme toujours en fiscalité française, les fraudes sont par ailleurs réprimées avec une certaine sévérité.
Sommaire
- Donner des cryptomonnaies à ses enfants pour réduire l’impôt crypto ?
- Opération de donation-cession sur cryptomonnaies : une fausse-bonne idée ?
- Quid des dons en espèces et des dons manuels ?
- Des sanctions sévères pour les faux dons crypto : les dangers de l’abus de droit
- Conclusion : une bonne manière de ne pas payer la flat-tax
Donner des cryptomonnaies à ses enfants pour réduire l’impôt crypto ?
Donner des cryptomonnaies pour 100.000 euros à son père (ou à son fils) pour ne payer aucun impôt à l’Etat ? C’est possible ! Voire même un don de 700.000 euros par exemple, si vous avez 5 enfants et 2 parents. Mais il faudra tout de même respecter quelques modalités et éviter certaines situations risquées.
Pour bien comprendre, le trader devenu riche et voulant faire un don doit distinguer deux choses:
- l’impôt sur le revenu (l’IR), qui n’est pas généré pour celui donne les cryptomonnaies. En effet, ce don n’est pas une cession à titre onéreux, mais une cession à titre gratuit, donc l’article 150 VH Bis du CGI qui ne concerne que les plus-values sur actifs numériques cédés à titre onéreux ne s’applique pas. La donation n’aura donc pas d’impact direct sur votre IR, on y revient !
- les droits de donation, dits droits de mutation à titre gratuit – spécifiques aux donations, ils sont générés dans le cadre d’un don.
Exemple : M. Dupont a acheté des bitcoins pour 5.000 euros. Si le cours monte de sorte que la valeur de ses bitcoins atteint 100.000 euros, et que M. Dupont procède à un don d’une valeur de 50.000 à sa femme, en faisant un simple transfert depuis sa plateforme à la plateforme de celle-ci, il ne sera lui-même pas imposé au titre de la plus-value lors de la réalisation du don. Il n’aura pas d’impôt sur le revenu à payer.
Des droits de donation vont cependant s’appliquer et ceux-ci dépendent principalement du lien de parenté avec la personne.
Dans l’exemple ci-dessus, la “base imposable” (ce sur quoi s’appliquera le taux pour déterminer l’impôt à payer) va être réduite à l’aide d’un abattement, prévu par la loi et qui dépend du lien de parenté de M. Dupont avec la personne qui reçoit le don :
Lien de parenté entre le donnant (celui qui donne) et le donataire (celui qui reçoit) | Abattement |
En ligne directe (enfants vivants ou représentés ou ascendants) | 100.000 € (*) |
Au profit d’un petit-enfant | 31.865 (*) |
Au profit d’un arrière petit-enfant | 5.310 € (*) |
Au profit d’une personne handicapée | 159.325 € (**) |
Au profit d’un conjoint ou partenaire de PACS | 80.724 € |
Au profit d’un frère ou soeur | 15.932 € |
Au profit d’un neveu ou nièce | 7.976 € (*) |
(*) cumul éventuel avec le don familial de sommes d’argent exonéré.
(**) cumul éventuel avec tous les autres abattements
Dans notre exemple, si Monsieur Dupont donne ses 50.000 euros de BTC à son fils, l’abattement de 100.000 est supérieur à 50.000 donc il n’y aura aucun droit de mutation à payer. Donc 0 impôt sur ce don de bitcoin !
Si M. Dupont donne ses 50.000 euros de BTC à son frère/sa sœur, il va pouvoir réduire sa base imposable de 15.932. Donc, au final, il n’est pas imposé sur 50.000, mais sur 50.000 – 15.932 = 34.068 € : les droits de mutation vont s’appliquer sur ces 34.068 €.
Il s’agit d’un bonus pour stimuler la circulation de capital, car la donation est en soi encouragée par le gouvernement pour que l’argent de soit pas trop “dormant”. Par contre, sachez que cet abattement ne s’appliquera pas sur chaque donation (donc inutile de vouloir les multiplier pour ce motif) puisqu’il se renouvelle tous les 15 ans.
Exemple : M. Dupont a donné 100.000 € de Bitcoin à son fils pour profiter de l’abattement en 2022 (et donc ne rien payer à l’Etat), il ne pourra pas rebénéficier de cet abattement avant 2037.
Après avoir déterminé la base imposable et appliqué l’abattement, comment savoir le montant des droits de mutation à payer ? Comme pour l’abattement, les tarifs dépendent du lien de parenté entre celui qui donne et celui qui reçoit les cryptomonnaies. Vous trouverez l’ensemble de ces tarifs (%) ici : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F14205.
Concernant le premier exemple d’un don de 100.000 euros de Bitcoin effectué par un père à son fils, l’impôt est logiquement nul car la base imposable est nulle.
Concernant le second exemple avec don de 50.000 euros de Bitcoin effectué par un frère à sa soeur, on va devoir retrouver les tarifs des droits de donation entre frères et soeurs dans le lien ci-dessus, ce qui correspond donc pour une relation frère – soeur :
- 35% d’imposition jusqu’à 24.430 €
- 45% au-delà.
Cela veut dire que sur les 34.068 € comme base imposable dans le cadre d’un don d’un frère à sa sœur, 24.430 seront imposés à 35%, soit 8.550 €. Ensuite, il reste 34.068 – 24.430 = 9.638 € à passer à 45%, soit 4.337 €.
Au total, les droits de donation s’élèvent à 8.550 + 4.337 = 12.887 € pour un don de cryptomonnaies d’une valeur de 50.000 € entre frères et sœurs. Sachez que plus le lien de parenté est important, moins l’imposition est importante. Typiquement, les dons les moins imposés seront ceux effectués aux parents/enfants.
Qui doit payer ces frais ? Celui qui donne ? Et non ! La loi dispose qu’il revient au bénéficiaire de la donation (le donataire) de s’acquitter des droits de donation. Les textes autorisent toutefois le donnant à prendre ces droits à sa charge, sans que ce soit considéré comme un supplément de donation.
Dans la pratique, une opération de cession est d’ailleurs souvent envisagée après une donation, on parle de “donation-cession”. On va se demander si ce mécanisme conserve son intérêt lorsqu’il porte sur des cryptomonnaies.
Opération de donation-cession sur cryptomonnaies : une fausse-bonne idée ?
On commencera par un exemple sans crypto monnaie pour que vous compreniez de quoi il s’agit.
Exemple : Julien transmet à sa nièce par voie de donation des titres d’une société valorisés à 100.000 € et supposés acquis pour 10.000 €. Il n’y a pas d’imposition sur la plus-value, mais sa nièce s’acquittera des droits de donation. Quelques mois plus tard, sa nièce décide de vendre à son tour les titres.
La cession de titres par un particulier est imposée au taux fixe de 30% en tenant compte du prix d’achat du titre et du prix de vente du titre.
Ici, le prix d’achat des titres sera égal au prix pour lequel ils ont été reçus, soit 100.000. Ce prix correspond à leur valeur réelle, il n’y a donc pas de raison de les revendre plus cher, la plus-value est donc égale à 100.000 – 100.000 = 0
Et on rappelle que c’est à la personne qui reçoit le don de payer les droits de mutation. Dans cette situation, la nièce doit s’acquitter des droits de donation, comme développé ci-dessus, mais pas d’imposition sur la plus-value.
Très concrètement cette opération de donation-cession permet de s’acquitter des droits de donation au lieu d’être imposé sur la plus-value qui devrait, dans la plupart des cas, être plus importante.
Très bien, très bien. Mais cela fonctionne aussi avec les crypto monnaies ? On va voir cela avec des exemples concrets et chiffrés.
Pour comprendre toute la situation, rappelez-vous que la plus-annuelle sur actifs numériques (article 150 VH bis du CGI) est calculée au niveau du foyer fiscal. Pour calculer cette plus-value, on tiendra compte de l’ensemble des actifs numériques détenus par votre foyer. En gros, un même foyer ne peut avoir qu’un seul “wallet” de cryptos.
On va donc s’intéresser à calculer l’impôt en cas de simple plus-value sur actifs numériques ou en cas d’opération de donation-cession en tenant compte des données qui suivent.
Exemple : Je suis un père de famille et j’aimerais donner 150.000 € de cryptomonnaie (des ETH par exemple) à mon enfant. On part du principe que l’ensemble des ETH du foyer ont été achetées pour 35.000 € et que la valeur du portefeuille s’élève à 650.000 € au jour de l’opération, le cours de l’ethereum ayant bien progressé.
1. Plus-value traditionnelle sur actifs numériques (150 VH bis du CGI)
Pour davantage de précision sur les modalités de calcul d’une plus-value sur actifs numériques, le lecteur est invité à se référer à notre article consacré (lien).
Le père de famille décide de convertir 150.000 euros d’ETH sans passer par une donation, mais par le régime classique. La plus-value sera égale à :
150.000 – (35.000 * 150.000 / 650.000) = 150.000 – 8078 = 141.922 €
2. Plus-value sur actifs numériques précédée d’une opération de donation
Si le père décide de donner 150.000 € à l’un de ses enfants, puisque le foyer ne peut avoir qu’un “wallet fiscal”, ce don vient nécessairement augmenter le prix d’acquisition du foyer ! Il passe ainsi de 35.000 à 185.000. Il faut soustraire de ce prix d’acquisition la fraction de prix d’acquisition initiale qui correspondait aux crypto monnaies données, soit 8078. Le prix d’acquisition serait égal à 176.922 €.
Dans cette situation, en cas de cession de 150.000, la plus-value imposable serait égale à : 150.000 – (176.922 * 150.000 / 650.000) = 150.000 – 40.828 = 109.172 €.
3. Conclusion
Dans la première situation (1) l’impôt sera de 42.576 (141.922*30%).
Alors que dans le second cas (2), il sera égal à 32.751 (109.172*30%). C’est donc plus intéressant ? Et non ! N’oubliez pas que dans cette situation, il faut au préalable s’acquitter des droits de donation en plus de l’imposition sur la plus-value.
On peut aisément affirmer que, dans l’hypothèse d’un don entre membres d’un même foyer, le mécanisme de donation-cession n’est pas pertinent puisqu’il ne conduit qu’à une purge partielle de la plus-value.
D’accord, mais dans ce cas existe-t-il un mécanisme de don qui serait intéressant pour les crypto monnaies ?
Quid des dons en espèces et des dons manuels ?
Les dons en espèces
D’abord, sachez qu’il a été demandé aux députés, lors des débats pour la loi de finances 2022 de clarifier l’avantage en fiscalité relatif aux dons en cryptomonnaies. Considérant la paresse et la méfiance du législateur, c’est sans grande surprise que cette proposition n’a pas été suivie. Le régime des dons en espèces reste donc un peu flou.
Le Code général des impôts prévoit une exonération des dons familiaux en espèces (CGI, art. 790 G).
Ainsi, les dons de sommes d’argent consentis au profit d’un enfant, petit-enfant ou arrière-petit-enfant (à défaut d’un neveu ou d’une nièce) sont exonérés de droits de donation dans la limite de 31.865 €, sous réserve de respecter deux conditions :
- Le donateur, celui qui donne, doit être âgé de moins de quatre-vingts ans ;
- Le bénéficiaire doit être majeur ou émancipé.
Ce plafond de 31.865 € s’applique aux donations consenties par un même donateur à un même bénéficiaire. En d’autres termes, si vous effectuez plusieurs donations à une même personne, l’exonération ne pourra jamais dépasser ce plafond. Il se renouvelle tous les 15 ans.
Malheureusement, sans précision du législateur, on ne sait si cette exonération sera applicable ou non aux cryptos puisque le texte vise expressément les dons en espèces qui peuvent être effectués par chèque, par virement, par mandat ou simple remise d’espèces.
Les dons manuels
Le don manuel (articles 635 A, 757 et 784 du CGI) est la transmission d’un bien de main en main. Cette donation n’est imposable qu’une fois “révélée” à l’administration. C’est-à-dire que dans de nombreux cas, cette opération est susceptible de ne pas être imposable.
Quels sont les cas où un don manuel sera soumis aux droits de mutation décrits ci-dessus ? C’est l’article 757 du CGI qui nous apporte les précisions nécessaires :
1/ Lorsque la donation est révélée à l’administration par le bénéficiaire, soit spontanément, soit lorsque la quantité d’argent donné est supérieure à 15.000 €, ou lorsque la révélation est provoquée par un contrôle du fisc.
2/ Lorsque la donation est déclarée par le bénéficiaire dans un acte soumis à des modalités d’enregistrement.
Dans l’une de ces situations, la donation est révélée et doit être déclarée dans un délai d’un mois suivant la révélation.
La déclaration des dons manuels révélés s’effectue sur le formulaire n° 2735-SD (en deux exemplaires) qui devra être déposé au service des impôts (pôle enregistrement) du domicile du donataire.
Des sanctions sévères pour les faux dons crypto : les dangers de l’abus de droit
Une donation de crypto monnaies ne doit pas être effectuée dans le but d’éviter la loi : donner des crypto monnaies à un proche pour les reprendre immédiatement en fiat et bénéficier ainsi d’une imposition réduite constitue un abus de droit susceptible d’être sanctionné par le fisc.
En d’autres termes, si l’administration réussit à démontrer que le don n’est pas un simple acte de bienfaisance mais une opération à but exclusivement ou principalement fiscal, alors le contribuable sera sanctionné selon la procédure de répression de l’abus de droit (correspondant respectivement aux articles L.64 et L64 A du livre des procédures fiscales).
Cette sanction n’est donc pas automatique, elle ne “tombe pas du ciel” puisque la charge de la preuve pèse sur le fisc : il doit apporter “un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes” que le don a été réalisé dans un but d’économie d’impôt.
En outre, et sans que cette liste soit exhaustive, le fisc peut se référer aux indices suivants, cumulativement ou non :
- l’apparition soudaine d’un cash-flow positif sur le compte bancaire du donnant, identique ou similaire au total des sommes données en cryptomonnaie
- des cadeaux de grande valeur offerts par le donataire au donnant, peu après le don
- la découverte d’un versement d’une importante somme de crypto monnaie entre deux personnes, sans le passage par un notaire
Lorsque la fraude est démasquée par le fisc, celui qui contrevient à ces règles risque de sévères sanctions :
- En plus de payer l’impôt qui aurait dû être payé sur la donation, il y aura un intérêt de retard à payer et surtout une majoration de 80 % de l’impôt (article 1729 du CGI)
- Le donant risque d’être pénalement poursuivi pour fraude fiscale (article 1741 du même code)
En plus de l’article sur ce qui peut déclencher la méfiance du fisc dans des cas généraux, CoinAcademy vous invite à lire son guide synthétique (à venir) sur toutes les sanctions possibles que peut encourir un trader crypto.
Conclusion : une bonne manière de ne pas payer la flat-tax
Le don de cryptomonnaie à ses proches est un bon moyen pour ne pas payer la flat-tax de 30%, ou du moins la réduire. Tout se passera bien si vous ne faites rien de suspect et que vous respectez les textes de loi.
Certains diront qu’il s’agit d’un procédé quelque peu immoral car il réduit les recettes de l’Etat sur l’argent que les traders ont accumulé par le trading ou le minage, mais en réalité, nous pensons que les arguments contraires sont plus forts.
En effet, le don de crypto-actifs permet de faire circuler la richesse et ce de manière simplifiée (malgré la nécessité de passer par un notaire pour les grosses sommes, il suffit de savoir utiliser sa plateforme et d’en créer une pour le membre de la famille concerné).
En plus, il permet d’entretenir la solidarité familiale par la stimulation de l’aide aux enfants, parents et en particulier aux personnes handicapées (si pour cause de santé, par accident ou par naissance un proche est handicapé, l’abattement est le plus grand et se cumule avec les autres). C’est donc aussi un catalyseur de la démographie et un argument pour se marier. Bref, que de bonnes choses !
Sommaire
- Droit patrimonial de la famille, 7ème édition, Dalloz, Michel Grimaldi, 2021-2022
- Successions et libéralités, 7ème édition, Dalloz, Sylvie Ferré-André et Stéphane Berre, 2021
- Code général des impôts, Dalloz, 2022
- Site du Bofip : https://bofip.impots.gouv.fr/