- Sébastien Lecornu démissionne après seulement quatre semaines à Matignon, devenant le Premier ministre le plus éphémère de la Ve République et laissant la France sans majorité ni direction claire.
- Sa tentative de gouverner sans 49.3 s’est heurtée à une coalition fracturée, entre Républicains hostiles et gauche intransigeante, rendant toute réforme impossible.
- Les marchés ont réagi immédiatement : chute du CAC 40, hausse des taux d’emprunt et regain de méfiance envers la dette française, symbole d’une instabilité politique chronique.
Sébastien Lecornu a quitté Matignon ce lundi matin, à peine quatre semaines après sa nomination. Un départ éclair qui fait de lui le plus éphémère Premier ministre de la Ve République et plonge à nouveau la France dans une impasse politique totale.
En ce lundi matin, les conditions n’étaient plus remplies pour que je puisse exercer ces fonctions de Premier ministre.
Un gouvernement miné avant même d’exister
Sa mission était claire : restaurer la stabilité après l’échec Bayrou. Sa marge de manœuvre, elle, quasi nulle. Lecornu voulait rompre avec les méthodes autoritaires de ses prédécesseurs et gouverner sans recourir au 49.3. Mais ses alliés conservateurs des Républicains ont aussitôt désavoué une équipe jugée trop proche de Macron, notamment avec le retour de Bruno Le Maire à la Défense.
Dès l’annonce du gouvernement, la coalition s’est fissurée. Les Républicains ont menacé de se retirer, tandis que la gauche conditionnait tout soutien à la suspension des réformes des retraites. Dans une Assemblée éclatée depuis les législatives de 2024, l’équation était impossible : pas de majorité, pas de projet, pas de survie.
Marchés nerveux, institutions paralysées
Quelques heures ont suffi pour que la crise politique devienne financière. Le CAC 40 a chuté de 2 %, les banques françaises en tête. Les taux d’emprunt à dix ans ont grimpé à 3,58 %, et l’écart avec les Bunds allemands s’est élargi à 0,88 point, signe d’un regain de méfiance envers la dette française.
Ce nouvel épisode confirme la crainte des investisseurs : l’incapacité du pays à maintenir une gouvernance stable. Un déficit attendu à 5,4 % du PIB pour 2025 et une dette à des niveaux critiques ne laissent aucune marge d’erreur.
La seule façon de mettre fin à cette crise est d’organiser de nouvelles élections.
Emmanuel Cau, responsable de la stratégie actions européennes chez Barclays
Cela rend l’Europe difficile à investir et donne aux investisseurs une excuse pour faire preuve de prudence.
Macron face au vide politique
Le président se retrouve sans Premier ministre, sans majorité et sans issue évidente. Nommer un nouveau chef du gouvernement reviendrait à rejouer le même scénario. Dissoudre l’Assemblée risquerait, cette fois, d’offrir une majorité au Rassemblement National, désormais en tête dans les sondages.
Jordan Bardella réclame déjà de “rendre la parole au peuple”, pendant que Jean-Luc Mélenchon accuse Macron d’être “l’origine du chaos”. Dans les faits, l’exécutif ne gouverne plus : il gère la crise au jour le jour, suspendu entre deux tempêtes.
La France au bord de l’ingouvernable
Cette démission express illustre la fragilité d’un système politique fragmenté et épuisé. Aucun bloc ne domine, chacun bloque. Dans ce climat, toute réforme devient un champ de mines, tout budget une bataille rangée.
Lecornu voulait incarner le compromis ; il quitte la scène en symbole d’un pays où plus rien ne tient. Les marchés doutent, les électeurs s’impatientent, et l’Europe observe. La question n’est plus de savoir qui gouverne la France, mais combien de temps encore elle peut se permettre de ne pas être gouvernée.
