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Dernière modification effectuée le 09.08.2022 18:36
L’enjeu politique de l’utilisation des crypto monnaies n’est pas une surprise. Une enquête réalisée par The Intercept est une occasion de rappeler avec force l’intrusion des gouvernements dans le domaine. En effet, Coinbase vend à une division du gouvernement américain, ICE, une suite de fonctionnalités permettant de suivre et identifier les utilisateurs de crypto monnaies.
L’accord entre Coinbase et l’Immigration and Customs Enforcement (ICE) remonte à août 2021. L’entreprise américaine a vendu une licence de logiciel d’analyse à ICE pour seulement 29 000 $ avant de réitérer l’opération le mois suivant en vendant un autre logiciel d’une valeur de 1,36 million de dollars. À l’époque de l’annonce de cette collaboration, une grande opacité était présente sur l’étendue du partenariat.
Une telle collaboration n’est pas surprenante au vu des récentes déclarations du vice-président de Coinbase, John Kothanek, lorsqu’il s’est rendu devant une commission du Congrès américain. Il déclarait la volonté de son entreprise de s’allier avec le gouvernement américain pour lutter contre les activités criminelles et illégales.
Ainsi, dans un ton s’adressant directement aux potentiels criminels, il explique que « si vous êtes un cybercriminel et que vous utilisez de la crypto monnaie, vous allez passez une mauvaise journée. Nous allons vous traquer et nous allons retrouver l’argent. Enfin, espérons-le, nous allons aider le gouvernement à saisir cette crypto ».
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Le gouvernement américain accède à des outils de surveillance grâce à l’achat de Coinbase Tracer
Des informations plus précises ont été récupérées dans un document contractuel par Jack Poulson, directeur du groupe de surveillance Tech Inquiry, permettant d’en apprendre plus sur la surveillance opérée par la division de l’Homeland Security Investigations.
Ainsi, l’ICE a acheté l’exploitation du logiciel Coinbase Tracer, anciennement connue sous le nom de Coinbase Analytics. Ce produit permet au gouvernement américain d’accéder à plusieurs fonctionnalités d’investigations numériques indispensables pour suivre avec précision les transactions réalisées sur la blockchain.
Coinbase commercialise son logiciel Tracer pour aider à la réalisation d’enquête sur la conformité des entreprises aux obligations légales inhérentes à leur activité. Ainsi, Tracer permet « d’enquêter sur des activités illicites, notamment le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme en offrant la possibilité de relier des portefeuilles numériques à des entités du monde réel ».
Concrètement, les fonctions d’analyse permettent à l’ICE d’avoir une vision globale et claire sur certains transferts de crypto monnaies douteux. Ainsi, le gouvernement américain est en mesure d’effectuer la « démixtion des transactions et l’analyse des transactions protégées ». Enfin, le contrat d’utilisation permettrait au gouvernement américain d’accéder à « des historiques de données de suivi géographique ».
Une interrogation sur les limites imposées à ICE dans l’utilisation de ces outils
Dans le cadre de cette opération, ICE peut désormais suivre les transactions effectuées par le biais de près d’une douzaine de crypto monnaies dont les plus populaires du marché comme le Bitcoin, l’Ethereum ou l’USDT.
Cette capacité apparaît comme dangereuse pour la liberté des utilisateurs de Coinbase. Le problème majeur est que selon un mail publié dans le cadre d’une demande FOIA (Freedom of Information Act), le contrat conclu entre ICE et Coinbase n’inclut pas de contrat de licence d’utilisateur final.
Or, ce contrat de licence est fondamental puisqu’il délimite la portée de l’utilisation d’un logiciel par le cessionnaire. Au vu de l’absence d’un tel document, on peut imaginer que la surveillance effectuée par ICE ne se cantonne pas aux activités illicites, mais s’étend aux transactions réalisées par tous les utilisateurs de Coinbase.
La porte-parole de Coinbase, Natasha LaBranche, souhaite contredire cette affirmation. Elle indique que « CoinBase Tracer tire ses informations de sources publiques et n’utilise pas les données des utilisateurs de Coinbase ». Sans rassurer sur l’utilisation faite par ICE du logiciel, ce commentaire pourrait insinuer que l’outil permet de tracer les transactions réalisées de manière globale sur la blockchain.
L’accord entre Coinbase et ICE est inquiétant pour les utilisateurs. L’impossibilité d’apercevoir les limites à l’utilisation de ce logiciel rend impossible d’évaluer la surveillance réellement effectuée par le gouvernement américain.
En tout état de cause, cette histoire rappelle fortement les révélations faites par Edward Snowden en 2013 lorsqu’il a révélé la surveillance de masse réalisée par la NSA sur les citoyens du monde entier.