- S&P abaisse la note de fiabilité de Tether en raison d’une hausse jugée dangereuse des actifs risqués dans les réserves, alors que la chute du Bitcoin fragilise l’équilibre du collatéral.
- La part d’actifs risqués grimpe à 24 %, dont 5.6 % en Bitcoin, un niveau supérieur au coussin de sécurité, tandis que le manque de transparence de Tether ravive les inquiétudes récurrentes des régulateurs.
- Malgré la dégradation et les nouvelles exigences du GENIUS Act, Tether défend sa solidité financière, prépare un stablecoin régulé aux États-Unis et continue de dominer le marché avec plus de 180 milliards d’USDT.
Le plus grand stablecoin du marché se retrouve encore sous les projecteurs pour ses réserves. S&P Global Ratings vient d’abaisser Tether et l’USDT à son score de stabilité le plus bas, un signal rare pour un actif utilisé chaque jour par des millions d’investisseurs, des traders haute fréquence et des économies entières en quête de dollars numériques.
L’agence estime que Tether porte désormais trop de risques dans ses réserves, au moment où le prix du Bitcoin a reculé d’environ 30 % depuis octobre. Un choc qui remet en lumière une question sensible posée à chaque période rouge du marché crypto : que vaut réellement le collatéral d’USDT ?
Une exposition aux actifs risqués en forte hausse ?
Dans son rapport, S&P détaille une évolution nette : 24 % des réserves de Tether sont aujourd’hui exposées à des actifs considérés comme risqués, contre 17 % un an plus tôt. Parmi eux, on retrouve le Bitcoin, de l’or, des obligations d’entreprises et surtout des prêts garantis que Tether s’était engagé à réduire.
La part de Bitcoin retient particulièrement l’attention. Elle représente environ 5.6 % des réserves, soit plus que la marge de surcollatéralisation de 3.9 % qui sert normalement de coussin de sécurité. La conclusion est simple : une chute prolongée du BTC peut théoriquement faire basculer USDT sous les 100 % de collatéralisation.
S&P rappelle aussi que Tether ne fournit toujours pas d’informations détaillées sur ses dépositaires, ses comptes bancaires, ni sur la procédure interne décidant de l’achat d’actifs risqués. Un flou qui nourrit l’inquiétude des régulateurs depuis des années.
« Nous portons votre mépris avec fierté. » La réponse musclée de Tether
Tether rejette fermement l’analyse. Le PDG Paolo Ardoino affirme que S&P utilise un cadre de notation inadapté aux actifs numériques et que les données ignorent la “résilience” du stablecoin. Elle met en avant ses publications en temps réel, ses attestations trimestrielles signées par BDO Italy et son rôle central dans les marchés émergents où USDT agit comme un véritable dollar numérique.
Selon son dernier rapport, 77 % des réserves restent investies dans des bons du Trésor américain et des équivalents cash. Tether a également généré plus de 10 milliards de dollars de bénéfices sur les neuf premiers mois de l’année grâce aux rendements des Treasuries. Autrement dit : même affaiblie, sa machine à cash tourne.
Un moment charnière pour les stablecoins
Quand la régulation change la donne
Le nouveau cadre légal américain, le GENIUS Act, impose désormais une règle stricte : les stablecoins doivent être adossés à 100 % à des actifs très liquides comme des obligations américaines de court terme. Or USDT conserve encore 8 % de prêts garantis, soit plus de 14 milliards de dollars. Ce point seul pourrait devenir la ligne rouge du débat. Tether répond avec la création d’un nouveau stablecoin USAT, prévu spécialement pour être régulé aux États-Unis.
Entre risque systémique et domination intacte
Malgré la dégradation, USDT reste le géant absolu avec plus de 180 milliards de dollars en circulation. L’actif conserve son peg depuis plusieurs cycles de panique, y compris en 2022 lorsque la pression vendeuse avait brièvement fait glisser sa valeur.
Mais la nouvelle baisse du Bitcoin, la volatilité des marchés financiers et la montée en puissance des stablecoins régulés créent un climat nouveau. USDT reste indispensable à l’écosystème, mais sa domination repose désormais sur un terrain plus instable. Dans un marché où la confiance est un actif en soi, chaque fissure devient un sujet stratégique.