- De plus en plus d’entreprises cotées en bourse achètent massivement des altcoins comme l’ETH, le SOL ou même des memecoins pour booster artificiellement leur valorisation et attirer les investisseurs.
- Des figures influentes du Web3 comme Brittany Kaiser, Andrew Keys ou Charlie Lee orchestrent des deals spectaculaires via SPACs ou sociétés écrans, misant sur des tokens parfois très volatils.
- Les analystes financiers dénoncent un modèle ultra-spéculatif, souvent sans fondement économique réel, et alertent sur les risques élevés pour les actionnaires en cas de correction brutale du marché crypto.
Les entreprises cotées en bourse se ruent sur la crypto : un problème ?
On semble même oublier Bitcoin. En 2025, ce sont les altcoins, memecoins, les tokens de niche et les paris exotiques qui font flamber les actions de sociétés cotées en bourse. Dans l’ombre de la stratégie « Bitcoin first » de Michael Saylor, un nouveau jeu s’installe : accumuler de l’ETH, du SOL, du HYPE ou même du TRUMP, du TON, ou du LTC pour doper artificiellement la valorisation boursière.
Objectif : attirer les projecteurs (et les investisseurs)
Depuis que la capitalisation de Strategy, la société de Saylor, a dépassé les 116 milliards de dollars, soit presque le double de la valeur de ses BTC, le modèle inspire. Mais le marché est saturé : posséder du BTC n’est plus un différenciateur. Résultat, certaines entreprises préfèrent miser sur des tokens moins mainstream… mais plus bruyants.
Côté ETH, on retrouve déjà 3 titans, Sharplink, Bitmine et Ether Machine, chacun annonçant déjà entre 1 et 2 milliards de dollars d’ethers, mais Ethereum n’est pas le seul altcoin choisi par des sociétés en bourse…
C’est le cas de Sonnet BioTherapeutics, une biotech spécialisée dans l’oncologie, qui a fait bondir son action de 200 % après l’annonce de l’acquisition du token HYPE via un SPAC de 888 millions de dollars. HYPE, c’est le jeton natif de la blockchain Hyperliquid, encore inconnu du grand public, mais visiblement suffisant pour affoler les algos boursiers.
Même stratégie chez Freight Technologies, une entreprise logistique texane, qui a levé 20 millions de dollars en dette convertible pour s’offrir le memecoin TRUMP, associé au président américain en poste. Le PDG parle même de diversification :
Cela nous permet de diversifier notre trésorerie crypto tout en attirant l’attention sur les politiques commerciales.
Les mêmes figures de la tech derrière les deals
Derrière ces paris, on retrouve des noms bien connus de l’écosystème Web3. Brittany Kaiser, ex-Cambridge Analytica, prépare un deal à 200 millions $ pour acheter du Toncoin (le token de Telegram) via une société écran en bourse. Elle évoque un potentiel colossal : « Avec plus d’un milliard d’utilisateurs mensuels sur Telegram, la demande pour TON pourrait exploser. »
De son côté, Andrew Keys, cofondateur de Consensys Capital, injecte 645 millions $ en ETH dans un SPAC, rejoint par Pantera Capital et Blockchain.com avec 800 millions supplémentaires. Objectif : faire de ce véhicule l’un des plus gros détenteurs d’ether du marché.
Même Charlie Lee, créateur du Litecoin, entre dans la danse. Il investit 100 millions $ dans MEI Pharma, qui deviendra ainsi la première société cotée à détenir exclusivement du LTC. Résultat immédiat : +78 % en bourse.
Risques assumés, mais critiques croissantes
Derrière l’euphorie, les doutes s’installent. Eric Benoist, analyste chez Natixis, juge ces paris « hautement spéculatifs » :
Ce n’est pas une stratégie de long terme. À la fin, leur valeur reposera uniquement sur les tokens au bilan.
Même son de cloche chez Standard Chartered, où Geoff Kendrick avertit : « Si les prix chutent, c’est soit les actionnaires, soit les créanciers qui paieront la facture. » Il évoque un phénomène éphémère, davantage lié à l’effet d’annonce qu’à une réelle stratégie d’entreprise.
En coulisse, ces opérations servent aussi d’infrastructure pour des baleines cherchant à stocker leurs tokens de manière légitime, voire à obtenir une prime de valorisation par effet de levier. La recette : lever de la dette, acheter des tokens, et profiter du momentum spéculatif pour valoriser l’action bien au-delà des actifs détenus.
Parfois, les levées de fonds se transforment même en porte de sortie express pour les investisseurs en seed, leur permettant d’oublier leur vesting…
Un modèle qui fascine… mais ne fera pas long feu ?
Les analystes sont clairs : l’effet Michael Saylor ne pourra pas être reproduit à l’infini. La rareté programmée du bitcoin (21 millions d’unités) reste unique. Peu de tokens offrent une telle mécanique de pénurie, et la plupart peuvent être émis à volonté, fragilisant la promesse de valeur à long terme.
Un rapport de Breed VC résume la situation :
De plus en plus de sociétés vont adopter ce modèle, avec des paris de plus en plus risqués et plus de levier. La majorité échouera. Seules quelques-unes conserveront une prime durable sur leur action.