Le darknet et le Bitcoin entretiennent des liens étroits depuis le début des années 2010. Cette relation s’est d’ailleurs souvent matérialisée par de nombreux articles – à charge – envers le Bitcoin. À la lecture de ces actualités, une évidence se présente au lecteur, le Bitcoin est indissociable de la popularisation du darknet.
Le darknet est souvent représenté par un iceberg dont la partie visible serait l’internet classique soit le web auquel les utilisateurs ont accès librement. Le darknet serait toute la partie immergée représentant des réseaux parallèles chiffrés.
Plongeons-nous dans la relation entre le darknet et le Bitcoin pour comprendre les raisons de cet inévitable rapprochement.
L'anonymat au cœur de la relation entre darknet et Bitcoin
L’argument principal incitant à se rendre sur le darknet réside dans son format anonyme. En effet, le darknet ne relie pas directement l’utilisateur au service souhaité. Il le fait passer, à l’instar d’un VPN, par des intermédiaires afin de préserver efficacement son anonymat.
Les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) sont souvent pointés du doigt sur le web en raison de leur immixtion dans la vie privée de millions de citoyens grâce aux données collectées.
Edward Snowden, célèbre pour avoir révélé au grand public l’espionnage de masse réalisé par les États-Unis et auteur de nombreux livres dont Mémoires vives, explique au détour d’une page que « si défendre votre vie privée ne vous intéresse pas, parce que vous n’avez rien à cacher, alors cela revient à dire que vous êtes indifférent à la liberté d’expression parce que vous n’avez rien à dire ».
Les défenseurs de l’utilité du darknet sont pleinement conscients de la nécessité de préserver la vie privée. Ils voient dans le Bitcoin une alternative efficace au système monétaire pour s’affranchir de la surveillance des États.
L'ambiguïté entre criminalités, darknet et Bitcoin
L’ambiguïté permanente entre le darknet et le Bitcoin est notamment due à un site de marché noir lancé sur le darknet (sur le réseau Tor) en février 2011 appelé Silk Road. L’histoire de ce site créé par Ross Ulbricht sous le pseudonyme de DPR pour Dread Pirate Roberts est fascinante.
Cet « Amazon de la drogue » permettait de vendre quasiment toutes sortes de produits, mais surtout des drogues. Certains produits étaient prohibés, notamment la revente de carte de crédit volée.
Fermés en 2013, des sites similaires voient le jour régulièrement dans le monde contre lesquels les autorités essayent de lutter notamment en France et en Europe grâce à l’intervention d’Europol.
Le Bitcoin était le moyen utilisé pour les transactions sur le site. Le choix d’utiliser le Bitcoin repose sur son apparence d’anonymat et son absence de contrôle étatique. Néanmoins, contrairement à d’autres crypto tel que Monero, le Bitcoin est une blockchain ouverte rendant l’ensemble des transactions visibles et traçables. De fait, l’anonymat se mue rapidement en pseudonymat.
Le Bitcoin est utilisé sur le darknet pour des raisons tant idéologiques que pratiques. Pour autant, cette utilisation n’en fait pas la monnaie du crime. D’ailleurs, le dollar et les autres monnaies ne sont pas immunisés aux activités criminelles.
La réalité est que selon le site Chainalysis, moins de 1% des bitcoins en circulation dans le monde sont envoyés sur le darknet depuis 2015. De plus, toutes les transactions réalisées sur le darknet ne sont pas illégales permettant de nuancer ce lien savamment entretenu dans les actualités.
L'émancipation des utilisateurs sur le darknet grâce au Bitcoin
Une chose est sûre, le Bitcoin est effectivement utilisé sur le darknet à l’instar d’autres cryptomonnaies. Le problème de cette affirmation est qu’elle lie, comme on l’a vu, rapidement le Bitcoin et la crypto aux activités criminelles dans l’esprit de la majorité de la population.
Pourtant, cette conception biaisée par le retentissement des affaires criminelles masque une activité bien plus importante et utile.
DPR publie un message en octobre 2012 pour commenter ses motivations. Il affirme que « Silk Road a été fondé sur des principes libertariens et continue de fonctionner sur ces mêmes principes… Ces principes qui ont permis à Silk Road de prospérer peuvent et doivent fonctionner partout où l’être humain se rassemble. La seule différence, c'est que l’État n’est pas là pour apposer sa main pour s’en emparer ».
La démocratie en occident notamment en France possède l’avantage d’offrir une liberté d’expression importante aux journalistes et aux militants politiques pour commenter les actualités. Ce format est amoindri, voire inexistant, dans de nombreux pays du monde n’offrant pas les mêmes garanties démocratiques et juridiques aux défenseurs des droits humains et de la liberté de la presse.
Le réseau Tor, le darknet ainsi que les VPN sont des moyens de publier du contenu sans avoir peur de l’oppression du régime en place ou de représailles d’opposants politiques ou idéologiques. Le Bitcoin est évidemment utilisé puisqu’il permet de se protéger de l’inflation, de la perte de valeur du cours de la monnaie locale et du contrôle opéré par l’État sur cette dernière.
Conclusion
Les liens entre le darknet et le Bitcoin sont inévitables. L’anonymat, le respect de la vie privée, la protection des citoyens face à l’inflation sont autant d’arguments permettant de militer pour l’utilisation du Bitcoin ou d’une autre crypto sur le darknet.
Pour autant, ce lien ne doit pas être nécessairement connoté négativement puisqu’il offre de véritables utilisations légitimes et légales. Nonobstant, nier la criminalité sur le marché du darknet et l’utilisation du bitcoin à ces mêmes fins serait de la mauvaise foi.
L’apparition d’Internet a fait naitre des géants du numérique (les GAFA notamment) qui tendent à concurrencer les États dans leur souveraineté. De fait, lorsque ces entreprises amassent des données sur l’ensemble des citoyens de cette planète, de nombreuses de nos libertés sont menacées. Trouver des alternatives pour s’en émanciper et se protéger est certainement une bonne idée. Le darknet, le Bitcoin et les cryptomonnaies se présentent comme des arguments efficaces en ce sens.
Sources
- Laurent Gayard,Géopolitique du Darknet : nouvelles frontières et nouveaux usages du numérique,ISTE,2018.
- https://orangecyberdefense.com/fr/insights/blog/fuite_de_donnees/deepweb-darkweb-darknet-quelles-differences/
- https://www.lesinrocks.com/actu/lincroyable-histoire-de-ross-ulbricht-le-fondateur-de-silk-road-condamne-la-prison-la-vie-49609-08-06-2017/
- https://start.lesechos.fr/societe/economie/drogue-et-dark-web-la-face-sombre-des-cryptomonnaies-1321371
- https://www.lefigaro.fr/vox/societe/2018/01/26/31003-20180126ARTFIG00288-avec-laurent-gayard-plongee-dans-les-profondeurs-du-darknet.php