Crise de confiance sur la dette américaine : quand les cracks apparaissent

Deux faillites dans le crédit subprime américain exposent les failles du shadow banking et menacent de relancer le spectre d’une crise systémique.
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  1. Tricolor Holdings et First Brands Group ont fait faillite presque simultanément, révélant l’extrême fragilité d’entreprises jugées solides et exposant les dérives du crédit subprime et de l’endettement massif.
  2. Ces effondrements rappelle les limites de la dette adossée à des actifs (ABS), un système qui a séduit investisseurs et banques mais dont l’opacité masque la réalité financière des entreprises.
  3. Les grandes banques comme JPMorgan, Fifth Third ou Jefferies sont lourdement exposées, tandis que la régulation du shadow banking devient un enjeu majeur pour éviter une nouvelle crise systémique.

Deux faillites qui changent la donne

Début septembre, Tricolor Holdings, un prêteur spécialisé dans les crédits automobiles subprime, s’est effondré après avoir manqué un paiement d’intérêts. Quelques jours plus tard, First Brands Group, un fournisseur de pièces automobiles lourdement endetté, engageait des discussions de faillite. Deux entreprises qui, quelques semaines auparavant, étaient encore jugées solides par les marchés.

Ces chutes rapides mettent en lumière une réalité inquiétante : les standards de prêt se sont considérablement relâchés aux États-Unis. Tricolor avait pourtant obtenu la note AAA pour ses émissions obligataires, tandis que First Brands flirtait avec un endettement proche de 10 milliards de dollars.

L’ombre du marché des dettes adossées à des actifs

Le point commun entre les deux ? L’utilisation massive de la dette adossée à des actifs (asset-backed debt). Tricolor transformait ses prêts automobiles subprime en obligations, séduisant des investisseurs avides de rendement. First Brands, de son côté, utilisait le factoring de factures et d’autres financements hors bilan pour gonfler artificiellement ses liquidités.

Ce mécanisme, censé sécuriser les prêteurs en s’appuyant sur des actifs tangibles, a montré ses limites. Certains investisseurs affirment aujourd’hui qu’ils n’avaient aucune visibilité réelle sur la situation financière de ces entreprises. L’un d’eux, sorti à temps de Tricolor, parle même de “l’un des pires effondrements jamais vus” dans le marché des ABS (asset-backed securities).

Les grandes banques aussi dans la tourmente

Le scandale touche désormais Wall Street. JPMorgan Chase et Fifth Third Bank figurent parmi les établissements exposés à des centaines de millions de dollars de pertes via les prêts automobiles de Tricolor. Pour beaucoup, c’est incompréhensible : comment l’une des banques les plus sophistiquées du monde a-t-elle pu valider des émissions de dette sans détecter d’irrégularités financières ?

Chez First Brands, le choc est tout aussi brutal. Jefferies commercialisait encore en août un prêt de 6 milliards de dollars, assurant aux investisseurs que le groupe disposait d’un milliard en trésorerie. Quelques semaines plus tard, l’entreprise négocie un financement d’urgence pour éviter la faillite, tandis que sa dette junior s’échange à quelques centimes seulement sur le dollar.

Le risque systémique refait surface

Depuis la crise de 2008, une partie du crédit a quitté les bilans bancaires pour migrer vers des acteurs non régulés. Cette “shadow banking industry” est devenue incontournable pour financer ménages et entreprises. Mais son opacité inquiète. Les autorités monétaires, en Europe comme aux États-Unis, suivent de près l’affaire.

Pour Tomasz Piskorski, professeur à Columbia, le séisme Tricolor pourrait avoir un impact immédiat :

Les agences de notation vont resserrer leur contrôle, ce qui réduira la disponibilité du crédit.

Un signal qui pourrait peser sur l’économie réelle, déjà fragilisée par la hausse des défauts de paiement.

Un marché encore sous tension

Malgré la panique, Wall Street ne ferme pas le robinet. Goldman Sachs prépare cette semaine une nouvelle titrisation de 300 millions de dollars, basée sur des cartes de crédit subprime. Pour Dylan Ross, responsable de l’asset-backed finance chez TCW, l’appétit des investisseurs reste intact :

Très peu de produits structurés investment grade ont été réellement affectés depuis la crise financière.

Reste une question clé : combien de temps les marchés pourront-ils continuer à ignorer les signaux d’alerte ? Car derrière Tricolor et First Brands, c’est toute une partie du crédit américain qui vacille, menaçant de transformer deux faillites isolées en véritable crise de confiance.

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