- Bitcoin Core s’apprête à supprimer la limite de 83 octets sur OP_RETURN, permettant désormais jusqu’à 100 000 octets de données dans les transactions, une révolution pour les usages on-chain comme les NFTs ou identités décentralisées.
- Cette décision aligne les règles du mempool sur les pratiques déjà tolérées par les mineurs, redonnant du pouvoir aux utilisateurs classiques et réduisant les arrangements opaques avec les validateurs.
- Le changement divise la communauté : certains saluent une avancée vers plus d’ouverture, tandis que d’autres dénoncent un risque de spam, de centralisation et une gouvernance trop verrouillée de Bitcoin Core.
Une décision discrète, des conséquences majeures
Le plafond de longue date, initialement un signal subtil indiquant que l’espace de bloc devait être utilisé avec parcimonie pour les données de preuve de publication non liées aux paiements, a dépassé son utilité.
C’est une ligne de code, mais elle pourrait transformer la manière dont les données sont stockées sur Bitcoin. Les développeurs de Bitcoin Core viennent d’approuver un changement controversé : la suppression de la limite par défaut de 83 octets sur les transactions OP_RETURN.
Derrière ce chiffre aride se cache une réalité technique cruciale. OP_RETURN permet de stocker des données arbitraires directement sur la blockchain Bitcoin. Depuis 2014, cette fonction était bridée pour éviter les abus. Désormais, la limite grimpe à… 100 000 octets. Un quasi-illimité dans les faits.
Ce changement entrera en vigueur en octobre avec la version 30 de Bitcoin Core, le logiciel de référence utilisé par la majorité des nœuds du réseau.
Pourquoi ça change la donne
Jusqu’ici, les développeurs étaient contraints. Les cas d’usage liés aux données on-chain (comme les inscriptions, les identifiants décentralisés, ordinals ou certains NFTs) devaient soit contourner les limites, soit traiter directement avec des mineurs, une pratique peu transparente et centralisatrice.
En supprimant cette limite, Bitcoin Core aligne enfin ses règles sur la réalité : les mineurs acceptaient déjà ces données “hors-norme”. Le changement vise donc à redonner le contrôle aux utilisateurs classiques, ceux qui passent par le mempool, et à décourager les arrangements privés avec les validateurs.
OP_RETURN reste facultatif et coûteux à utiliser, un choix technique raisonné, selon ses défenseurs.
Une communauté Bitcoin divisée et sous tension
La décision a suscité de vifs débats. Certains applaudissent : elle renforcerait la résistance à la censure et reflète le comportement réel du réseau. D’autres crient à la dérive. Luke Dashjr, mainteneur de Bitcoin Knots, fustige l’ouverture à plus de “spam”. Jimmy Song parle d’un “tatouage qui vieillira mal”. Parker Lewis, lui, craint une centralisation de facto via le duo Core + pools miniers.
Et au-delà du code, c’est la gouvernance de Bitcoin Core qui est pointée du doigt : GitHub verrouillé, commentaires supprimés, développeurs exclus. Le fossé se creuse entre ceux qui veulent un Bitcoin polyvalent, et ceux qui défendent une vision monolithique, strictement financière.
Vers un Bitcoin plus ouvert… ou plus fragile ?
Gloria Zhao, développeuse Bitcoin Core chez Chaincode Labs, défend la mise à jour : elle corrige un déséquilibre entre le coût et l’utilité des différentes méthodes de stockage de données. En clair : si OP_RETURN est moins nocif que d’autres solutions non-prunables, pourquoi continuer à le restreindre ?
Reste une vérité technique : ce changement ne modifie pas les règles de consensus. Il n’impose rien à personne. Chacun reste libre d’utiliser des versions alternatives comme Bitcoin Knots. Mais sur le terrain, l’effet domino est enclenché.
Bitcoin, espace de stockage en devenir ?
Loin des projecteurs, cette évolution pourrait ouvrir la voie à de nouveaux usages. Des métadonnées, des identités, des preuves d’existence, ou même des jeux et applications rudimentaires. Sans changer la nature de Bitcoin, le changement pourrait en élargir les usages, à condition de ne pas en compromettre la robustesse.
Le débat est loin d’être clos. Mais une chose est sûre : le Bitcoin Core de demain accepte plus de données qu’hier. Et ça, pour une technologie censée tout verrouiller, c’est loin d’être anodin.