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- La Chine interdit officiellement les cryptomonnaies, mais ses administrations locales vendent discrètement les BTC saisis pour combler leurs déficits budgétaires. Ces ventes passent par des sociétés privées qui opèrent sur des marchés offshore.
- L’absence de cadre juridique clair sur le traitement des cryptoactifs saisis crée un flou propice aux abus. Juristes et magistrats plaident pour une régulation cohérente, voire la création d’un fonds souverain basé à Hong Kong.
- Avec 190 000 BTC détenus, la Chine est le 2e plus gros détenteur étatique au monde. Une centralisation sous l’égide de la Banque centrale pourrait transformer cette manne en atout stratégique, tout en sortant de l’hypocrisie actuelle.
Vente de Bitcoin en Chine : une pratique illégale devenue source de financement
En Chine, les cryptomonnaies restent officiellement interdites, qu’il s’agisse du trading, de l’émission ou de la reconnaissance juridique de ces actifs. Pourtant, les autorités locales accumulent discrètement des montagnes de tokens numériques, saisis dans le cadre d’affaires de blanchiment, d’escroquerie en ligne ou de jeux illégaux. Face à l’ampleur du phénomène, ces administrations locales, confrontées à une pression budgétaire croissante, se tournent vers des entreprises privées pour convertir les cryptomonnaies en liquidités, selon Reuters.
Le paradoxe est total. D’un côté, l’État central interdit formellement tout commerce de cryptoactifs ; de l’autre, les municipalités vendent ces biens numériques à l’étranger pour renflouer leurs caisses. L’entreprise technologique Jiafenxiang, basée à Shenzhen, a ainsi converti pour plus de 3 milliards de yuans (environ 390 millions d’euros) de cryptomonnaies sur les marchés offshore, au nom de plusieurs villes de la province du Jiangsu. Le produit de ces ventes, transformé en yuans par le biais de banques locales, alimente ensuite directement les budgets publics.
Un vide juridique inquiétant
Ce système improvisé, bien que rentable, repose sur un flou juridique inquiétant. Aucun cadre clair ne définit la manière dont les cryptomonnaies doivent être traitées une fois saisies. Cette incertitude ouvre la voie à des pratiques arbitraires et potentiellement corrompues. Des avocats, juges et représentants des forces de l’ordre appellent désormais à une refonte en profondeur de la régulation.
Lors de séminaires organisés ces derniers mois, des juristes ont plaidé pour la reconnaissance officielle des cryptomonnaies comme actifs patrimoniaux. Une telle évolution permettrait de fixer des règles unifiées pour leur traitement judiciaire, notamment en matière de conservation, de liquidation ou de réutilisation stratégique. L’un des scénarios évoqués serait la création d’un fonds souverain crypto, potentiellement basé à Hong Kong, à l’image de ce que propose Donald Trump avec la constitution d’une réserve nationale de bitcoins aux États-Unis.
Bitcoin : un nouvel enjeu politique et économique majeur
Le débat dépasse les seules considérations juridiques. En 2023, les infractions liées aux cryptomonnaies ont explosé en Chine, avec un montant global estimé à 430,7 milliards de yuans, selon la société de cybersécurité SAFEIS. Ce boom a contribué à une hausse historique des revenus issus des amendes et confiscations publiques, qui ont atteint 378 milliards de yuans, soit une augmentation de 65 % en cinq ans.
Dans certaines régions, les cryptomonnaies saisies sont devenues une ressource budgétaire stratégique, particulièrement dans un contexte de ralentissement économique. Mais l’absence de supervision officielle des entreprises privées chargées de la revente, ainsi que le manque de transparence sur les circuits financiers utilisés, suscitent de vives inquiétudes.
Vers une gestion centralisée et stratégique ?
De plus en plus de voix s’élèvent en faveur d’une centralisation de la gestion des cryptomonnaies saisies, sous la houlette de la Banque populaire de Chine. Ce modèle permettrait non seulement d’encadrer juridiquement le processus, mais aussi de tirer pleinement parti d’actifs numériques dont la valeur ne cesse de grimper à l’échelle mondiale.
La Chine, qui détenait environ 190 000 BTC évalués à près de $16 milliards, en faisant le 2e plus grand détenteur étatique après les États-Unis. Une meilleure organisation pourrait transformer ce butin controversé en un levier stratégique à long terme, tout en clarifiant enfin l’ambiguïté d’un pays qui interdit ce qu’il exploite en secret.