La fin de l’anonymat crypto en France : vers une surveillance totale des transactions ?

La France veut interdire l’anonymat crypto, assimilant son usage à une activité suspecte. Une loi adoptée en procédure accélérée menace la confidentialité des transactions.
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  1. Le Sénat français a adopté un projet de loi interdisant l’anonymisation des transactions crypto, ciblant mixeurs et cryptomonnaies privées comme Monero, sous prétexte de lutte contre le blanchiment.
  2. Toute utilisation de services anonymisants sera considérée comme suspecte, bien que les transactions illicites en crypto restent marginales, révélant une volonté de contrôle étatique renforcé.
  3. La procédure accélérée limite le débat, et si l’Assemblée valide la loi, la confidentialité crypto en France disparaîtra, menaçant innovation et souveraineté financière.

Une interdiction des transactions anonymes en procédure accélérée

Le Sénat français a adopté en première lecture un projet de loi visant à interdire toute forme d’anonymisation des transactions en cryptomonnaies. Sous couvert de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du narcotrafic, ce texte cible directement les services de mixage et les cryptomonnaies à anonymat renforcé comme Monero.

Cette mesure s’inscrit dans une logique d’anticipation des règlements européens, notamment le règlement (UE) 2024/1624, qui imposera dès juillet 2027 l’interdiction des comptes permettant l’anonymisation des transactions. En intégrant cette contrainte au Code monétaire et financier, la France prend les devants en renforçant son arsenal répressif contre la confidentialité des flux monétaires en crypto.

Une criminalisation de l’anonymat sous prétexte de sécurité financière

Le texte de loi ne se limite pas aux prestataires de services sur actifs numériques (PSAN). Il prévoit également des sanctions pour les particuliers utilisant des mixeurs ou des cryptomonnaies à anonymat renforcé. Désormais, toute transaction réalisée via ces outils sera automatiquement assimilée à une opération suspecte relevant du blanchiment d’argent.

L’argument sécuritaire avancé par le gouvernement repose sur l’idée que les cryptomonnaies anonymes faciliteraient les activités criminelles. Pourtant, les études on-chain montrent une réalité bien différente : la proportion des transactions illicites en crypto n’a jamais été aussi faible. Cette contradiction révèle une intention bien plus large : exercer un contrôle total sur les transactions numériques et limiter drastiquement la liberté financière des citoyens.

Une procédure législative accélérée, sans réel débat

Le recours à la procédure accélérée limite les possibilités de contestation. L’Assemblée nationale n’aura qu’une seule lecture pour examiner le texte, sauf si un désaccord entraîne la convocation d’une commission mixte paritaire. Dans le cas où les députés confirment la version du Sénat, la loi pourrait être promulguée dans les mois à venir, laissant peu de temps aux défenseurs des libertés numériques pour organiser une opposition efficace.

Cette précipitation législative rappelle la volonté exprimée en 2024 par la Banque de France et l’Autorité des marchés financiers (AMF) de soumettre la surveillance des flux crypto à l’Esma, l’autorité européenne de supervision des marchés. Ce projet va dans le sens d’un contrôle accru des transactions numériques, en parallèle du développement d’un euro numérique entièrement traçable.

Une menace pour l’innovation et la souveraineté financière

Si l’interdiction de l’anonymat crypto est validée par l’Assemblée, les détenteurs de cryptomonnaies en France devront abandonner toute forme de confidentialité sous peine de sanctions. Cette évolution risque d’inciter de nombreux utilisateurs à migrer leurs actifs vers des juridictions plus favorables, réduisant ainsi l’attractivité du secteur crypto français, déjà affaibli par la réglementation MiCA.

En outre, le texte reste flou sur la définition exacte des « mixeurs de cryptomonnaies ». Les protocoles comme Tornado Cash sont évidemment visés, mais qu’en est-il des opérations de bridge entre blockchains ? La détention de Monero pourrait-elle, à terme, être considérée comme illégale ? Ces zones d’ombre ouvrent la porte à une surveillance encore plus intrusive des transactions en cryptomonnaies, posant un sérieux dilemme entre sécurité et respect des libertés individuelles.

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