- Le DOJ a utilisé une fausse citation Telegram pour accuser Tornado Cash de complicité dans le blanchiment du hack de Ronin, alors qu’il s’agissait d’un message transféré écrit par un journaliste de CoinDesk.
- L’erreur a été repérée par la défense de Roman Storm, qui demande l’exclusion de tous les messages Telegram comme preuves, et l’accès aux délibérations du grand jury.
- Ce procès pourrait créer un précédent majeur pour les développeurs open source dans la crypto, en posant la question de leur responsabilité pénale dans l’usage détourné de leurs outils.
Une citation clé remise en cause à la veille du procès
À quelques heures du procès très attendu de Roman Storm, cofondateur du mixeur Tornado Cash, la défense frappe fort : une preuve clé présentée par l’accusation serait tout simplement… fausse.
Le Department of Justice (DOJ), via le bureau du procureur du district sud de New York, avait utilisé une phrase choc extraite d’un échange Telegram pour illustrer la “conscience de culpabilité” des développeurs de Tornado. Le message, évoquant le blanchiment de 600 millions de dollars issus du hack du pont Ronin (Axie Infinity), aurait été rédigé par Alexey Pertsev, autre développeur du projet. Problème : il s’agissait en réalité d’un extrait écrit par un journaliste de CoinDesk, simplement transféré par Pertsev dans un canal Telegram.
Une erreur embarrassante pour le DOJ
Ce détail n’a rien d’anecdotique. Le message avait été cité par le procureur adjoint Ben Arad lors d’une audience le 8 juillet, avec des propos sans détour :
L’un des co-conspirateurs a demandé comment blanchir 600 millions de dollars de crypto volée.
Une formulation lourde de sens, censée démontrer que l’équipe Tornado Cash agissait sciemment en dehors des règles, bien avant les sanctions de l’OFAC.
Or, selon les documents versés au dossier, le message original provenait du journaliste Andrew Thurman. Il aurait été partagé dans un groupe Telegram à titre d’information, non comme une demande de conseil en blanchiment. La défense de Storm affirme que le DOJ ignorait jusqu’à récemment l’origine réelle du message, et n’a découvert l’erreur qu’après que la défense l’ait soulevée.
Tornado Cash vs DOJ : une bataille procédurale sous tension
L’accusation admet avoir transmis à la défense une première version incomplète des messages Telegram en septembre 2023, une version qui ne mentionnait pas que le message avait été « transféré« . Elle assure toutefois avoir corrigé cela en décembre 2024, en fournissant une nouvelle version intégrant le tag “forwarded”.
Pour l’équipe de Storm, cette rectification tardive ne suffit pas. Ils réclament désormais l’exclusion complète des messages Telegram issus du téléphone de Pertsev, et demandent au juge un accès aux transcriptions du grand jury. Motif invoqué : l’accusation aurait présenté des éléments trompeurs devant le jury.
Le gouvernement n’a jamais révélé à quel moment il a découvert l’erreur. Il n’est donc pas en position de reprocher à la défense de ne pas l’avoir signalée plus tôt.
Des enjeux judiciaires majeurs pour le secteur crypto
Ce procès s’annonce comme un précédent déterminant pour les développeurs d’outils de confidentialité crypto. Tornado Cash, sanctionné par les autorités américaines depuis 2022, est accusé d’avoir facilité le blanchiment de milliards de dollars, dont certains fonds liés à des groupes nord-coréens.
Mais l’affaire Roman Storm pourrait bien basculer sur des détails procéduraux. Une simple erreur d’attribution pourrait remettre en cause toute une série de preuves, fragilisant la thèse du DOJ. À l’heure où les développeurs open-source scrutent chaque avancée judiciaire, ce procès dépasse largement le sort d’un seul homme.