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- La réglementation européenne MiCA, qui entrera en vigueur le 30 décembre, obligera les émetteurs de stablecoins à conserver au moins 60 % de leurs réserves dans des banques européennes.
- Ces contraintes inquiètent Paolo Ardoino, PDG de Tether, qui craint une augmentation du risque systémique pour les stablecoins en cas de difficultés financières des banques concernées.
- Alors que de grandes institutions financières comme la Société Générale ou Kraken se préparent à MiCA en lançant leurs propres stablecoins conformes, les petites entreprises du web3 pourraient faire face à des défis majeurs.
La réglementation européenne MiCA, qui entrera pleinement en vigueur le 30 décembre, impose de nouvelles exigences aux émetteurs de stablecoins, comme l’obligation de conserver au moins 60% de leurs réserves dans des banques européennes. Pour Paolo Ardoino, PDG de Tether, ces règles pourraient transformer les banques en foyers de risques systémiques pour les stablecoins, menaçant la stabilité de l’ensemble de l’écosystème crypto.
Ardoino explique que ce seuil de 60% pourrait en réalité exposer les fonds de réserve des stablecoins à un risque accru si les banques en question rencontrent des difficultés financières.
MiCA : un cadre réglementaire inédit qui inquiète Paolo Ardoino
Les réserves bancaires étant prêtées jusqu’à 90% de leur montant total, la concentration d’actifs stables dans les bilans bancaires pourrait déstabiliser rapidement l’ensemble du système en cas de faillite d’une banque importante. Pour un gestionnaire de 10 milliards d’euros, par exemple, MiCA l’oblige à déposer 6 milliards d’euros en liquidités dans une banque. Si cette banque prête à son tour 5,4 milliards de ces dépôts, seulement 600 millions restent disponibles pour faire face aux éventuels retraits, mettant ainsi les émetteurs de stablecoins et leurs utilisateurs à la merci des pratiques de gestion bancaire.
Les déboires bancaires des stablecoins : un précédent inquiétant
Les exigences imposées par MiCA rappellent un précédent récent : en mars 2023, Circle, l’émetteur de l’USDC — le deuxième plus grand stablecoin au monde —, a vu sa devise perdre sa parité avec le dollar, tombant à 0,8774 USD. Cette dévaluation a suivi l’effondrement de la Silicon Valley Bank, où Circle avait 3,3 milliards de dollars en réserve. Incapable de retirer ces fonds à temps, Circle s’est retrouvé dans une situation critique, laissant entrevoir la vulnérabilité des stablecoins face aux défaillances bancaires.
Les nouvelles exigences de MiCA risquent de provoquer des scénarios similaires si d’autres banques rencontrent des difficultés. Ardoino souligne qu’en cas de faillite bancaire, seuls 100 000 euros de dépôts sont garantis en Europe, les montants restants étant engloutis dans les procédures de liquidation. Cette limite de garantie bancaire expose les fonds des stablecoins à un risque d’illiquidité si un établissement fait défaut, créant un potentiel de chaos dans le marché crypto.
Solutions et stratégies d’adaptation des émetteurs de stablecoins en Europe
Malgré ces contraintes, Ardoino évoque des moyens pour les émetteurs de se protéger en diversifiant leurs réserves dans des titres financiers comme les bons du Trésor ou les obligations d’État. Contrairement aux dépôts bancaires, ces titres ont une valeur nominale qui reste stable, permettant de transférer les actifs en cas de faillite d’une banque. Cependant, cette solution impose aux émetteurs des coûts supplémentaires et réduit la flexibilité de gestion des fonds.
Certains grands acteurs financiers se préparent déjà à MiCA, à l’image de la Société Générale, qui a lancé le stablecoin EUR CoinVertible (EURCV) en partenariat avec Bitpanda pour répondre aux exigences de conformité européenne. Ce positionnement anticipé marque une adaptation stratégique aux règles de MiCA pour profiter de cette nouvelle régulation tout en minimisant les risques.
Des défis majeurs pour les petits acteurs de l’écosystème web3
Pour les petites entreprises et startups du web3, les implications de MiCA posent des défis de taille. Anastasija Plotnikova, PDG de Fideum, souligne que la conformité réglementaire pourrait entraîner une consolidation du marché et encourager les grands groupes et fonds d’investissement à racheter les jeunes pousses du secteur. Cette tendance prédatrice pourrait pousser des talents vers des juridictions plus accueillantes, comme le Moyen-Orient, où la régulation est plus favorable.
Les entreprises comme Kraken, qui a récemment acquis le courtier néerlandais Coin Meester, accélèrent leur expansion en Europe pour répondre aux nouvelles exigences. Cependant, pour de nombreux acteurs plus modestes, MiCA risque d’imposer des contraintes lourdes, limitant ainsi la diversité de l’écosystème et favorisant les grands groupes financiers qui disposent des ressources pour se conformer à ce cadre strict.