Comment le fondateur de Telegram a-t-il obtenu la nationalité française avant d’être arrêté à Paris ?

Pavel Durov, créateur de Telegram, obtient la nationalité française en 2021 grâce à un soutien politique, tandis que sa plateforme reste controversée pour des raisons de sécurité et de coopération judiciaire.
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  1. Pavel Durov, fondateur de Telegram, a obtenu la nationalité française en 2021 après un examen à l’Alliance Française à Dubaï, soutenu au plus haut niveau de l’État par Emmanuel Macron pour ses innovations.
  2. La naturalisation de Durov, facilitée par des interventions politiques, a suscité des débats sur les avantages offerts aux grandes figures technologiques alors que Telegram est critiqué pour son manque de coopération avec les autorités judiciaires.
  3. Telegram est accusé de permettre la diffusion de contenus illicites et de ne pas répondre aux demandes légales françaises, avec son fondateur en liberté sous conditions.

Pavel Durov, le créateur de la messagerie Telegram, a rejoint les rangs des citoyens français en 2021. Cependant, son acquisition de la nationalité française ne s’est pas faite selon les parcours classiques.

Derrière cette naturalisation, une série d’interventions diplomatiques et des circonstances inhabituelles se sont déroulées en coulisses. Alors que la justice française s’interrogeait déjà sur l’utilisation de Telegram à des fins criminelles, la demande de Durov a été traitée au plus haut niveau de l’État.

L’examen de Français à Dubaï : une formalité pour un VIP

En décembre 2020, Durov se présente discrètement à l’Alliance Française de Dubaï pour passer son DELF (Diplôme d’études en langue française), une étape incontournable pour obtenir la nationalité. Bien qu’il ait été traité comme tout autre candidat, l’atmosphère était particulière. « Le consulat nous avait prévenus à l’avance », se rappelle un employé. Cette journée a marqué un passage essentiel pour Durov, qui, avec un niveau de français intermédiaire, a su répondre aux exigences légales, bien qu’il ait par la suite utilisé le russe et l’anglais lors de sa garde à vue en France.

Une volonté politique au sommet

L’initiative de naturalisation de Durov n’a pas été spontanée. En coulisses, c’est la présidence de la République qui a ouvert les portes. Emmanuel Macron, convaincu par l’influence et l’innovation que Telegram représente, a souhaité faire de Durov un citoyen français. En août 2023, au lendemain de la mise en examen du patron de Telegram pour des contenus illégaux sur la plateforme, Macron s’est publiquement exprimé sur la question. Il a expliqué qu’il valorise des entrepreneurs qui apportent de la « richesse et de l’innovation » à la France. Cette naturalisation s’inscrivait donc dans une stratégie de rayonnement technologique et économique.

Un procédé entouré de débats

La naturalisation de Pavel Durov a ravivé les critiques concernant les facilités offertes aux grandes figures de la technologie. En effet, alors que des milliers de candidats ordinaires attendent des années pour obtenir la citoyenneté, des personnalités comme Durov ou Evan Spiegel, cofondateur de Snapchat, voient leurs dossiers pris en charge rapidement. Pourtant, les autorités affirment que la procédure a été respectée sans aucun passe-droit.

Le double visage de Telegram ?

Alors que la France facilitait l’entrée de Durov, selon ce même pays, les problèmes posés par Telegram se multipliaient. Dès 2016, après les attentats qui ont secoué la France, Telegram a été pointé du doigt pour son manque de coopération avec les autorités dans la lutte contre le terrorisme. Les djihadistes, comme d’autres criminels, utilisaient la messagerie pour échanger en toute discrétion. Le manque de transparence et d’interlocuteurs chez Telegram a été déploré par les autorités françaises, une situation qui, huit ans plus tard, reste inchangée.

Le procureur de Paris a récemment dénoncé « l’absence quasi-totale de réponse de Telegram aux réquisitions judiciaires », une frustration partagée par de nombreux avocats qui tentent d’obtenir des informations de la plateforme dans le cadre de procédures légales.

En 2020, le gouvernement français a été alerté de l’explosion des contenus illicites diffusés sur Telegram, en particulier des photos intimes partagées sans consentement. L’association Stop Fisha a rencontré Cédric O, alors secrétaire d’État chargé du numérique, pour attirer l’attention sur ce phénomène. Cette rencontre a mis en lumière les dérives de Telegram, mais malgré l’engagement des autorités, la messagerie échappe encore à toute réglementation stricte.

Si Pavel Durov, désormais français, bénéficie d’une certaine reconnaissance, il reste sous le coup de la justice. Mis en examen, il est tenu de pointer régulièrement au commissariat et a interdiction de quitter le territoire. Pourtant, Telegram continue de croître avec près d’un milliard d’utilisateurs à travers le monde, alors que la plateforme reste un défi majeur pour les gouvernements. Le cas de Durov incarne les tensions entre les aspirations d’innovation et les préoccupations sécuritaires auxquelles sont confrontées les démocraties modernes.

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